En collaboration avec Guy Gélinas, opérateur à la numérisation à la Section des archives de la Ville de Montréal et bénévole au Musée des ondes Emile Berliner.
Saviez-vous que l’inventeur du gramophone Emile Berliner avait majoritairement œuvré à Montréal? Qu’il était à l’origine de l’une des plus importantes manufactures au monde dans le domaine de la création, de la captation, de la reproduction et de la diffusion des ondes sonores? Que cette manufacture se trouvait au cœur du quartier Saint-Henri? Que ce complexe est aujourd’hui mieux connu sous le nom d’édifice RCA?
Le Musée des ondes Emile Berliner publiait cette année une toute nouvelle plate-forme Web regroupant quelque 500 images et 100 enregistrements sonores tirés de ses archives. La mise en ligne de ces nouvelles ressources constitue l’occasion idéale d’effectuer un retour sur la petite histoire d’une prestigieuse institution montréalaise, le tout grâce aux documents combinés du Musée et des Archives de Montréal.
Inventeur du microphone, du gramophone, du disque et de divers appareils d’enregistrement sonore, Emile Berliner a révolutionné le monde de la musique et de l’industrie sonore. Né en Allemagne en 1851, il immigre aux États-Unis en 1870. Il est notamment employé chez la compagnie America Bell Telephone, où il travaille à améliorer le transmetteur sonore de l’appareil téléphonique. Ce faisant, il crée un nouveau type de microphone. Les recherches et les expériences de Berliner dans le domaine de la transmission sonore l’amènent surtout à inventer le gramophone, qu’il fait breveter en 1887. Des démêlés judiciaires l’obligent toutefois à déménager sa compagnie à Montréal. Il y lance en 1899 la Emile Berliner Gramophone, responsable de la vente des gramophones et des disques dont il détient le brevet exclusif en Amérique du Nord. Il installe quatre presses à disques au 367-368 rue de l’Aqueduc (Lucien-L’Allier) puis un magasin de vente au 2315, rue Sainte-Catherine, et un studio d’enregistrement sur la rue Peel. La compagnie produit 2000 titres au cours de sa première année et les ventes explosent.
Emile Berliner est conscient du potentiel commercial de son invention. Il adopte en 1900 la marque de commerce « His Master’s Voice » (HMV), que l’on reconnaît encore aujourd’hui à son chien Nipper écoutant un gramophone. La Berliner Gram-o-phone Company of Canada s’installe dès 1908 dans le quartier Saint-Henri, non loin de la ligne chemin de fer menant aux États-Unis. Elle fait construire ses premiers bâtiments sur la rue Lenoir, au nord de la rue Saint-Antoine. Le lieu va progressivement devenir un impressionnant complexe, appelé aujourd’hui édifice RCA. Jusqu’au rachat de l’entreprise par la compagnie Victor Talking Machine en 1924, les entreprises de la famille Berliner réalisent et distribuent des milliers d’enregistrements sonores. En 1929, la Victor Talking Machine est fusionnée avec la Radio Corporation of America et devient la RCA Victor.
L’édifice RCA de la rue Lenoir prend de l’expansion. À la portion construite par les architectes MacVicar et Heriot en 1920 s’ajoutent un premier ensemble en 1936 (par les architectes Ross et McDobnald), puis un second entre 1941 et 1943 (par l’architecte Walter Kenneth Gordon Lyman). Deux dessins originaux de Lyman de cette portion de l’édifice sont aujourd’hui préservés dans les Archives de Montréal. Le bâtiment constitue l’un des premiers exemples marquants à Montréal d’une architecture industrielle moderniste, à laquelle s’ajoutent certains traits Art Déco. Le fenêtrage abondant est originellement en verre transparent, avant d’être converti en bloc de verre au cours des années 1930. En 1943, la manufacture se dote d’un studio d’enregistrement d’une qualité acoustique exceptionnelle. Alys Robi, Bing Crosby et Oscar Peterson font partie des artistes de renom qui y effectuent des enregistrements.
Avec l’avènement de la Seconde Guerre mondiale, les manufactures du pays sont mobilisées pour participer à la fabrication d’équipement militaire. La RCA Victor contribue à l’effort de guerre en produisant d’innombrables radios qui vont servir dans les avions, les bateaux ou les jeeps utilisés sur le front. C’est au cours de cette période que la célèbre féministe et syndicaliste Léa Roback est embauchée à la manufacture. On y trouve alors 4 000 employés, dont la moitié sont des femmes. Léa Roback travaille à la RCA de 1941 à 1952 et y met sur pied un syndicat qui intègre 95% des employés, le tout sans avoir recours à la grève. Elle lutte parallèlement pour encourager l’accès aux résidents de Saint-Henri à des logements décents.
La Seconde Guerre mondiale transforme plus généralement la société canadienne. Le pays devient un producteur industriel d’importance et Montréal se retrouve au cœur de ce changement. L’avenir semble notamment prometteur dans le secteur des technologies. À Saint-Henri, la RCA Victor va passer d’une entreprise produisant des appareils de divertissements (gramophones, disques et radios) à une compagnie active dans le secteur des hautes technologies.
Systèmes de radars de détection, propagation des micro-ondes ou physique des plasmas sont désormais au cœur de la recherche et du développement sur la rue Lenoir. On s’implique surtout dans la conquête de l’espace… Le laboratoire de recherche de la RCA Victor va ainsi travailler sur les satellites Alouette 1, Alouette 2, ISIS 1 ou ISIS 2. Pour répondre à ces nouveaux défis, la manufacture ferme son studio d’enregistrement en 1958, afin d’aménager des espaces répondant aux spécifications de la NASA. Les magnifiques boiseries d’origine disparaissent, emmurées dans de nouvelles structures. Ce studio sera toutefois redécouvert et remis en service en 1985 (sous le nom de studio Victor), avant de fermer à nouveau ses portes en 2015. Plusieurs artistes de renom auront entre-temps pu renouer avec ce lieu mythique, incluant Yvon Deschamps, Daniel Bélanger et Plume Latraverse.
Les années 1970 sont synonymes de déclin pour la RCA Victor du Canada. Son siège social déménage à Toronto en 1972. La compagnie mère met fin à l’autonomie de sa filiale montréalaise en 1976 et ferme son laboratoire de recherche. En 1977, SPAR Aerospace acquiert deux divisions de la RCA Victor, transférant ainsi à Sainte-Anne de Bellevue les activités liées à l’aérospatiale et à la production de satellites. En 1978, la RCA quitte définitivement le bâtiment de Saint-Henri.
En 1992, le Musée des ondes Emile Berliner voit le jour. Son objectif est de sauvegarder, étudier et diffuser le patrimoine matériel et immatériel associé à l’histoire culturelle, architecturale, technologique et scientifique des ondes sonores. L’institution porte évidemment un intérêt particulier à Emile Berliner, inventeur d’envergure internationale, à l’instar de ses contemporains Thomas Edison et Alexander Graham Bell. Avec la parution de son nouveau portail Archives sons & images Emile Berliner, le musée nous offre aujourd’hui la possibilité de connaître un peu mieux l’histoire exceptionnelle de la famille Berliner et de sa Berliner Gram-O-Phone Company de Montréal, ainsi que l’évolution plus générale de la création, de la captation, de la reproduction et de la diffusion des ondes sonores. Une initiative à encourager fortement!
Pour découvrir les Archives son & image Emile Berliner
Le Musée des ondes Emile Berliner
1001, rue Lenoir., local E-206
Montréal (Québec) H4C 2Z6
Tél. : (514) 932-9663
Heures d’ouverture :
Lundi et mardi 10h à 16h
Mercredi 10h à 16h, visite des archives sur rendez-vous seulement
Jeudi 10h à 16h
Vendredi 10h à 16h, 14h à 16h avec tours guides
Samedi 14h à 17h avec tours guides
Sources
Énoncé d’intérêt patrimonial : édifice RCA, 1001 rue Lenoir, arrondissement du Sud-Ouest. Division de l’expertise en patrimoine et de la toponymie. Ville de Montréal. 2012.
https://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/url/ITEM/C77BE2331A674074E0430A9301324074
Emile Berliner. Phonojack. 2005.
https://phonojack.com/Berliner.htm
R is for Recording. Montreal Gazette. 2007.
https://www.pressreader.com/canada/montreal-gazette/20070714/281578056256454
Montréal dans l’espace. Musée des ondes Emile Berliner. 2017.
Musée des ondes Emile Berliner. 2018.
https://moeb.ca/musee-des-ondes-emile-berliner
Édifice RCA. Répertoire du patrimoine culturel du Québec.
https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=191108&type=bien#.W09ipdVKi70
Émile Berliner et la RCA Victor. Centre d’histoire de Montréal. 2017.
https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/emile-berliner-et-la-rca-victor
Credenza-c-4400 est le numéro de série sur mon meuble que je possede.
Je sais que il a été fait à montréal.
Pouvez vous m en dire plus?
Merci d avance pour votre aide.
Bonjour,
Mon oncle a reçu en 1994 une médaille lui a été remise pour son effort de guerre. J’ai la lettre lorsque l’on lui a remis ce prix. Je me demandais quelle valeur a cette médaille fabriqu;ée par Birk’s ( Or 10 K).Merci D.Bolduc Trois-Rivières.
j’ai travaillé étant jeune chez RCA VICTOR Company LTD A Montréal
dans les années 1958,1959,1960. j’ai été très satisfaite d’y travailler car c’était une très bonne compagnie prenant soins de ses employés.
Une Française maintenant âgée