Par Denys Chouinard
Mercredi 28 mars 1883, c’est jour de fête à l’hôtel de ville de Montréal. Monsieur le maire Jean-Louis Beaudry accueille une canadienne de renommée internationale, la cantatrice Emma Albani. Ce jour-là, pour avoir droit d’accès à la salle du conseil de ville où l’on reçoit la chanteuse, il faut montrer son carton d’invitation dûment signé par le greffier de la Cité, Charles Glackmeyer.
Parce qu’Albani a été absente du Canada pendant quinze ans, les Montréalais désirent lui rendre hommage et saluer son talent si bien reconnu par les foules à Londres, à Paris, en Italie, à Moscou, à Saint-Pétersbourg. Ici, 10 000 admirateurs l’acclament à son arrivée à Montréal, le poète Louis Fréchette récite un poème composé en son honneur, et elle de répondre en donnant trois concerts.
Albani, née Emma Lajeunesse à Chambly en 1847, a connu une carrière exceptionnelle. Initiée à la musique par son père, formée par des professeurs français et italiens, chanteuse étoile du Covent Garden à Londres et des grandes maisons d’opéra d’Europe et d’Amérique, elle fut une des vedettes de son temps, chantant pour les chefs d’état, le président MacMahon à Paris, l’empereur Guillaume Ier à Berlin. Elle était l’amie et la confidente de la reine Victoria et elle fut la «première musicienne canadienne de naissance à conquérir la gloire au niveau international, ce au cours d’une carrière longue de quatre décennies».
Elle s’éteint à Londres le 3 avril 1930, après avoir connu des années difficiles. Mais ses admirateurs ne l’oublièrent jamais, et c’est entre autres une souscription publique à Montréal qui l’aida à vivre convenablement jusqu’à la toute fin.