Une collaboration spéciale de Émilie Rebts, stagiaire aux archives historiques de la Ville de Montréal.

Dommages causés à des appartements à l’intersection des rues Saint-Vallier, De Fleurimont (boulevard Rosemont) et Saint-Denis, par l’explosion du 30 novembre 1932. Vue depuis le toit du magasin municipal. – 12 décembre 1932. – Archives de la Ville de Montréal. P152-01-01-02-02-Photo35
La famille Dowd
Vers 2016, la Division des archives de la Ville de Montréal acquiert le fonds d’archives de la famille Dowd (P152). Les documents sont particulièrement d’intérêt pour la Ville dans la mesure où la famille cumule près de 125 ans de service à l’Aqueduc de Montréal. Dès 1855, Frank Dowd, le grand-père, travaille 25 ans à la ville comme commis à la taxe d’eau. Il est suivi, en 1880, par son fils, également prénommé Frank, qui est employé à la Ville pendant 53 ans et 5 mois, oeuvrant d’abord comme commis, puis commis en chef, avant de devenir secrétaire du département de l’aqueduc et du comité de l’aqueduc. Enfin, le fils, Frank V. Dowd, débute sa carrière à la Ville de Montréal le 2 juin 1909, comme dessinateur. Il enchaîne ensuite les postes d’ingénieur en chef, de surintendant adjoint aux Égouts, de surintendant à la Division des eaux et de l’assainissement du Service des travaux publics, ainsi que de directeur adjoint du Service des travaux publics. Il prend sa retraite en 1958 après 46 ans et 7 mois à l’emploi de la Ville.
![Frank V. Dowd, sa femme Germaine Sylvia et leurs filles, Vivian et Sylvia. – [192-]. - Archives de la Ville de Montréal. P152-Y-01-D007-P009](https://archivesdemontreal.com/documents/2025/02/02-P152-Y-01-D007-P009-600x745.jpg)
Frank V. Dowd, sa femme Germaine Sylvia et leurs filles, Vivian et Sylvia. – [192-]. – Archives de la Ville de Montréal. P152-Y-01-D007-P009
Le fonds d’archives familial
Le fonds P152 porte surtout sur la vie personnelle et professionnelle de Frank V. Dowd, le fils. On y retrouve beaucoup de documents portant sur l’Aqueduc de Montréal et sur l’administration municipale, mais également sur la famille Dowd.
Le fonds se distingue surtout par ses documents photographiques. Il comprend plus de 4 000 photos sur négatifs ou sur épreuves ainsi que 81 photos sur plaque de verre. Ces photos illustrent autant la vie professionnelle que personnelle de Frank V. Dowd et datent des années 1920 à 1950. Du côté professionnel, on retrouve par exemple des photos des installations de l’Aqueduc de Montréal, des embâcles de glaces hivernales, des dommages causés par des explosions dans les égouts, des incendies, des inondations, etc. Du côté familial, on retrouve de nombreuses photos de Frank V. Dowd avec sa femme, Germaine Sylvia, et leurs filles, Vivian et Sylvia, de leur enfance à leur mariage. On peut également voir des photos des activités pratiquées par la famille de Frank V. Dowd, mais aussi de certains événements d’importance, comme le passage du ballon dirigeable R-100 à Montréal ou la visite du roi George VI et de la reine Elizabeth.
Les photos du fonds de la famille Dowd impressionnent par leur variété. À plusieurs reprises, des images d’ordre documentaire prises par Frank V. Dowd dans le cadre de son travail s’avèrent aujourd’hui pour nous de rares photos à la valeur de témoignage élevée. Par exemple, dans le cadre de son travail à l’Aqueduc de Montréal, Dowd photographie souvent les embâcles de glace sur le fleuve Saint-Laurent. Sur plusieurs de ces photos du fleuve gelé, on aperçoit en arrière-plan le pont Jacques-Cartier en construction, dont les clichés inédits sont assez rares.
![Embâcles de glace sur le fleuve Saint-Laurent et pont Jacques-Cartier en construction. - [192-]. - Archives de la Ville de Montréal. P152-Y-02-D003-P002](https://archivesdemontreal.com/documents/2025/02/03-P152-Y-02-D003-P002-600x458.jpg)
Embâcles de glace sur le fleuve Saint-Laurent et pont Jacques-Cartier en construction. – [192-]. – Archives de la Ville de Montréal. P152-Y-02-D003-P002
Le fonds contient également près d’un mètre de documents textuels sur la vie professionnelle et personnelle de Frank V. Dowd. Du côté professionnel, on retrouve des documents portant sur l’Aqueduc de Montréal, mais aussi sur des explosions survenues dans les égouts en 1932, et plus généralement sur la Ville de Montréal. Du côté personnel, iles documents textuels portent sur la famille Dowd et sur d’autres familles qui lui sont liées. On y trouve principalement des notes personnelles, des coupures de presse, des invitations, des cartes funéraires, de la correspondance et un spicilège.
En plus des photographies et des documents textuels, le fonds contient plusieurs plans, cartes et dessins techniques en lien avec le système d’aqueduc de Montréal. Il comprend également quelques affiches et illustrations. On y retrouve même un morceau de tuyau en bois de l’aqueduc datant du 19e siècle.
Explosions dans les égouts

Département des eaux : indication sur le mandat de Frank V. Dowd d’enquêter sur les produits chimiques déversés dans les égouts. – 7 septembre 1932. – AVM. P152-01-01-02-01. P.63
En 1932, deux explosions majeures se déroulent dans les égouts sous le boulevard Saint-Laurent à Montréal. Le fonds d’archives contient beaucoup de documentation et de rapports rédigés par Frank V. Dowd, qui expliquent en détail ces événements. En tant que surintendant adjoint des canalisations de la Ville de Montréal, Frank V. Dowd s’intéresse au problème. Il est même mandaté par le Département des eaux de la Ville de Montréal pour trouver la cause des explosions Avis enquête P152-01-01-02-01 p.63
Les différents rapports de Dowd mentionnent que les explosions dans les égouts constituent un phénomène fréquent dans les grandes villes d’Amérique du Nord et d’Europe, telles que Londres, Paris, Los Angeles, Boston, Chicago, Ottawa, New York, etc. Il précise que, dans tous les cas, ces explosions sont causées par l’accumulation de grandes quantités d’essence dans les égouts (source : P152-01-01-02-03).
23 août 1932
La première explosion survient dans les égouts du boulevard Saint-Laurent le 23 août 1932 à 22h45. En septembre, Frank V. Dowd débute une enquête afin de déterminer la cause de l’incident. Il travaille avec son collègue H. A. Carter (source : P152-01-01-02-01).
La première étape de son enquête est de réaliser un plan des égouts du boulevard Saint-Laurent afin d’y inscrire les dommages causés par l’explosion, mais également toutes les entreprises susceptibles de déverser des produits chimiques dans les égouts. Sur ces plans, on peut voir l’emplacement de différents garages publics, stations-service, garages privés avec des réservoirs d’essence, nettoyeurs à sec, teintureries, compagnies pétrolières et chantiers de la ville.
Frank Dowd et H. A. Carter visitent ensuite chaque entreprise inscrite sur le plan afin de récolter les informations nécessaires à l’enquête. Dans son rapport du 23 août 1932 (source : P152-01-01-02-01), Dowd mentionne ses difficultés à obtenir les informations pertinentes. Certains propriétaires ne gardent pas de trace de leur manipulation de produits chimiques, tandis que d’autres refusent de coopérer sans obligation légale (source : P152-01-01-02-01).

Plan montrant les égouts du boulevard Saint-Laurent et les parties endommagées par l’explosion du 23 août 1932, ainsi que toutes les stations d’essence, les garages et les compagnies pétrolières, etc. qui ont été visités dans le cadre de l’enquête. – 5 décembre 1932. – Archives de la Ville de Montréal. P152-01-01-02-01. P.27
Après avoir récolté plusieurs preuves en visitant les lieux et en parlant à des voisins, Frank V. Dowd conclue que la compagnie pétrolière Excel Petroleum est responsable d’un important déversement de pétrole dans les égouts, qui serait à l’origine de l’explosion du 23 août 1932. Il pense que l’étincelle ayant provoqué l’explosion provient de la construction d’une nouvelle ligne de tramway (source : P152-01-01-02-01).
- Croquis schématique d’Excel Petroleum LTD. Montrant les réservoirs de stockage d’essence, les pompes, la tuyauterie, etc. – 5 décembre 1932.- AVM. P152-01-01-02-01. P.30
- Vue arrière de la compagnie de pétrole Excel Petroleum Limited, en regardant vers l’est. – 5 décembre 1932.- AVM. P152-01-01-02-01-Photo19
Cette explosion cause beaucoup de dommages alors que les égouts et le boulevard Saint-Laurent sont grandement atteints.
- Enfants posant près des débris causés par l’explosion du 23 août 1932 dans les égouts du boulevard Saint-Laurent, près de la station d’essence Municipal Oil. – [25 août 1932]. – AVM. P152-Y-04-D001-P012
- Boulevard Saint-Laurent fissuré à cause de l’explosion dans les égouts du 23 août 1932. – [25 août 1932]. – AVM. P152-Y-04-D001-P013
- Partie d’un tuyau d’aqueduc de Montréal endommagé à cause de l’explosion du 23 août 1932. – [25 août 1932], – AVM. P152-Y-04-D001-P011
30 novembre 1932
L’explosion du 30 novembre 1932 est, encore une fois, causée par de l’essence qui s’est retrouvée dans les égouts. Cette essence s’est probablement enflammée à cause du passage d’un tramway ou d’une allumette laissée sur le couvercle d’une bouche d’égout, au coin des rues Bélanger et Saint-Denis, vers 17h10.
Bien que le système d’égouts et le boulevard Saint-Laurent soient une fois de plus endommagés, les dégâts y sont moins importants que la première fois. L’explosion cause surtout d’importants dommages à des bâtiments en surface, dont une station d’essence située au coin de la rue Crémazie et du boulevard Saint-Laurent, l’Académie Saint-Édouard établie au 6211 rue Saint-Valier, ainsi qu’un bloc d’appartements localisé aux 444 et 446 rue De Fleurimont (aujourd’hui le boulevard Rosemont), à l’angle de la rue Saint-Denis.
- Dommages causés à la station-service de la Municipal Oil Company, à l’intersection de Crémazie et de Saint-Laurent, par l’explosion du 30 novembre 1932. – 1er décembre 1932. – AVM. P152-Y-D004-P009.
- Dommages causés au hall de l’Académie Saint-Édouard (6511, rue Saint-Vallier) par l’explosion du 30 novembre 1932. – 2 décembre 1932. – AVM. P152-01-01-02-02-Photo28.

Dommages causés à des appartements à l’intersection des rues Saint-Vallier et De Fleurimont (boulevard Rosemont) par l’explosion du 30 novembre 1932. – 12 décembre 1932. – Archives de la Ville de Montréal. P152-Y-04-D004-P008
Dans son rapport de 1934 (P152-01-01-02-03), Dowd explique que lors de l’explosion d’août, la température est plus chaude à l’extérieur et plus froide dans les égouts, ce qui empêche les vapeurs d’essence de pénétrer dans les sous-sols des habitations reliées aux égouts. La déflagration affecte donc surtout les conduits souterrains et la surface immédiate. En novembre, le phénomène inverse se produit : les vapeurs d’essence, présentes dans l’air plus chaud des égouts, s’infiltrent dans les sous-sols reliés au réseau, ce qui explique les dégâts considérables subis par différents bâtiments.
Recommandation
Dans son rapport du 23 août 1932 (P152-01-01-02-01), Dowd énumère plusieurs règles à instaurer afin d’éviter de futures explosions dans les égouts de la Ville de Montréal. Ces recommandations s’adressent autant aux particuliers dans leur domicile privé qu’aux stations-service, aux garages, aux usines de peinture, aux raffineries de pétrole, aux teintureries et aux nettoyeurs.
En résumé, Dowd pense que la meilleure façon d’éviter de futures explosions est d’instaurer une réglementation stricte pour empêcher les déversements de liquides inflammables dans les égouts de Montréal. Il ajoute que cette réglementation doit être appliquée non seulement à la Ville de Montréal, mais aussi aux municipalités avoisinantes qui utilisent son système d’égouts
Règlement sur les substances explosives
La Ville de Montréal avait établi dès le 6 octobre 1905 le règlement no. 340, régissant et prohibant la fabrication, l’emmagasinage, l’usage et le transport des substances explosives et très combustibles dans les limites de la Cité de Montréal, et à l’effet de prévenir les accidents par le feu.
Le 20 octobre 1927, le Comité Exécutif précisait par ailleurs l’encadrement en vigueur en adoptant le règlement no. 937, concernant la construction des bâtiments destinés à servir pour la vente de gazoline et d’huiles (stations de service) dans les limites de la cité (Source : VM001-33-02-D062-P0937).
Dans son rapport annuel de 1932, la division de la canalisation explique que les explosions dans les égouts amènent les autorités « à autoriser la préparation d’un règlement régissant l’installation des réservoirs à gaz, d’huile ou de tout entrepôt et aussi à l’installation des systèmes de drainage spéciaux à ces entrepôts de façon à éviter la récurrence de pareils accidents » (Source : VM117-S2-SS1-D21).
C’est en janvier 1936 qu’est adopté le règlement no. 1380, concernant la construction, l’établissement, l’agrandissement, la modification ou la reconstruction des raffineries d’huile. Ce règlement permet un contrôle plus sévère des raffineries, évitant ainsi d’autres explosions causées par de grandes quantités d’essence déversées dans les égouts.
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Découvrez notre album Flickr comprenant 55 photos :
https://www.flickr.com/photos/archivesmontreal/albums/72177720324078135
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Le fonds d’archives Frank V. Dowd dans notre catalogue :
https://archivesdemontreal.ica-atom.org/fonds-famille-frank-v-dowd-1800-1979
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Sources :
Fonds Famille Frank V. Dowd. – [18-]-1999. P152. Archives de la Ville de Montréal. https://archivesdemontreal.ica-atom.org/fonds-famille-frank-v-dowd-1800-1979
Règlements sur la construction des raffineries et des stations services à Montréal. VM001-33. Archives de la Ville de Montréal.
Dossiers décisionnels du conseil municipal sur la construction des raffineries et des stations services à Montréal. VM001-03-02_051941 (raffineries) et VM001-03-02_050193 (stations services). Archives de la Ville de Montréal.
Dossiers décisionnels du conseil municipal sur les explosions survenues dans les égouts en 1932. VM001-03-02_044630 (réparations des égouts) et VM001-03-02_045290 (frais – dommages causés aux bâtiments). Archives de la Ville de Montréal.
Dossiers d’employés Frank V. Dowd et Frank W. Dowd. VM001-20-D117. Archives de la Ville de Montréal.