Les enseignes commerciales des années 1950 à 1970

Le fonds d’archives Urbanisme et habitation de la Ville de Montréal (VM097) est en cours de traitement et nous continuons sa mise en ligne progressive. Cet imposant fonds contient des centaines de milliers de photographies, des dizaines de mètres d’archives textuelles, des milliers de cartes et plans et de vues aériennes, de nombreux films et enregistrements sonores, le tout produit entre 1897 et 2002.

Restaurant Little Cosy Club. - 1967. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P344

Restaurant Little Cosy Club. – 1967. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P344

Ces archives exceptionnelles nous renseignent sur les activités des services de l’urbanisme et de l’habitation. Ces services, créés respectivement en 1941 et 1967 puis fusionnés en 1972, ont connu différentes moutures au fil des années. Leur mission était au départ de « dresser un projet d’aménagement municipal qui comprendra un plan directeur et un rapport exposant les principes de ce plan » (règlement 1682). 

Les différentes séries du fonds d’archives permettent d’explorer les rôles qu’a eu le service notamment dans l’aménagement du territoire, l’inventaire et la rénovation du patrimoine bâti ou le développement du logement social. Certaines séries sont également organisées par types de documents, avec par exemple les cartes et plans, les photographies ou encore les enregistrements sonores. 

Les séries du fonds sont les suivantes : 

01 – Comités et commissions ad hoc. – 1955-1995
02 – Aménagement du territoire. – 1897-2004
03 – Vues aériennes de Montréal. – 1925-1988
04 – Plans d’utilisation du sol. – 1949-1989
05 – Inventaire du patrimoine bâti. – 1978-1985
06 – Permis, inspections, constructions et rénovations. – 1922-1988
07 – Habitation. – 1936-2001
08 – Toponymie. – [198-]-1993
09 – Administration. – 1954-1999
T – Cartes et plans. – 1935-1989
V – Objets. – [195-?]
W – Enregistrements sonores. – [196-]-1990
X – Films. – [198-]-[199-]
Y – Photographies. – [192-]-2000
Z – Archives imprimées

Depuis 2022, tous les corpus documentaires relatifs à l’urbanisme et à l’habitation déposés aux archives ont été intégrés à ce fonds VM097. Vous y trouverez donc toutes les ressources utiles en lien avec le sujet.

Plaza Saint-Hubert l'hiver. - [196-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P075

Plaza Saint-Hubert l’hiver. – [196-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P075

Les photographies sont probablement un des éléments les plus intéressants du fonds. Elles présentent en effet une image de Montréal à différentes époques et permettent de découvrir des aspects de la ville aujourd’hui disparus. Nous avons déjà parlé de certaines de ces sous-sous-série dans nos articles sur les quartiers disparus de Montréal. 

Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P017

Restaurant Nanking Cafe. – [196-]-[197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P017

Restaurant Hôtel de France et Théâtre français. - 1959. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P060

Restaurant Hôtel de France et Théâtre français. – 1959. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P060

Les séries de diapositives contiennent plus de 40 000 diapositives couleurs et permettent de documenter le développement urbain de Montréal de la fin des années 1950 jusqu’aux années 2000. Organisées par thèmes ou par quartiers, les photographies de l’urbanisme permettent de découvrir les grandes réalisations sur le territoire montréalais : métro, Place des Arts, site de l’Expo 67, aménagement des grandes artères et autoroutes, etc. Elles permettent également de voir ce qui existait avant leur apparition, puisque des photographies ont été prises avant les démolitions des immeubles et quartiers. On peut trouver plus d’informations à ce sujet dans nos articles portant sur les inventaires immobiliers. 

Le traitement des diapositives se poursuit et vous pouvez déjà découvrir le contenu de plusieurs de ces sous-sous-séries. L’une d’entre elles porte sur les enseignes et affiches publicitaires, utilisées massivement lors des années 1960 à 1980.

Midway Theatre. - [195-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P058

Midway Theatre. – [195-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P058

Lorsqu’on pense aujourd’hui à l’utilisation des enseignes publicitaires, on a généralement une image claire de ce à quoi elles peuvent ressembler. Les enseignes commerciales comportent généralement le nom du commerce, installé au-dessus de l’entrée. Les affiches publicitaires, bien que très présentes, sont installées à des endroits prévus à cet effet. Un cadre réglementaire existe pour où et comment les enseignes et affiches publicitaires sont disposées.

Entreprise Familex et station-service Petrofina, avenue de Lorimier. - [197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P127

Entreprise Familex et station-service Petrofina, avenue de Lorimier. – [197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P127

Cela n’a pas toujours été le cas. Dans le Montréal des années 1950 à 1970, les commerces peuvent pratiquement se publiciser comme ils le veulent. Il n’est pas rare de voir d’immenses enseignes lumineuses installées sur le toit d’un commerce ou encore la façade d’un immeuble complètement recouverte d’affiches.

Sur la rue Sainte-Catherine, les magasins ne se gênent pas pour afficher leurs couleurs. L’absence de réglementation ferme fait en sorte que les enseignes en néons sont abondantes et prennent le plus d’espace possibles. On cherche à attirer l’attention des piétons et des automobilistes, au point où les enseignes et affiches peuvent devenir dérangeantes, voire dangereuses.

Restaurant Ville-Marie, rue Sainte-Catherine Ouest. - [197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P128

Restaurant Ville-Marie, rue Sainte-Catherine Ouest. – [197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P128

La Plaza Saint-Hubert est un autre exemple d’espace où les enseignes dominent. Avant l’apparition des célèbres marquises sur la rue Saint-Hubert, les enseignes sont très souvent massives et compétitionnent avec les vitrines pour attirer l’attention des clients. Les néons sont largement utilisés et donnent à la Plaza une ambiance qui rappelle presque Times Square le soir. Dans les années 1950 et 1960, Montréal peut presque compétitionner avec New York et Paris pour le titre de ville lumière. 

 

C’est aussi l’époque où les affiches publicitaires commencent à apparaître plus massivement. On parle ici des enseignes pour un produit ou une compagnie qui ne sont pas affichés directement sur le magasin qu’ils publicisent. Ainsi, les grandes enseignes publicitaires sur les abords de l’autoroute Métropolitaine font leur apparition. De grandes installations sur les toits des immeubles permettent également d’installer des publicités sur des immeubles résidentiels ou des commerces. 

Fait à noter, les enseignes sont principalement en anglais. Nous sommes alors dans l’ère précédant la loi 101, l’usage du français dans l’affichage n’est pas encore obligatoire. Bien que certaines publicités soient en français, les noms des magasins sont bien souvent en anglais, le recours au possessif anglais étant courant (par exemple Morgan’s ou Steinberg’s). Suivant l’adoption de la loi 101, certains magasins décideront d’abandonner l’apostrophe sans pour autant changer leur nom. Ainsi, Reitman’s deviendra Reitmans et Greenberg’s deviendra Greenberg.

 

Dès les années 1950, on commence à mettre en place des idées de règlements afin de contrôler les publicités sur les panneaux-réclames. D’abord mis de l’avant par le clergé qui souhaite censurer certaines publicités qu’il juge comme annonçant des sujets infâmes, le projet se transforme en moyen de taxer les marchands selon la grosseur de leurs affiches. Suite à de nombreuses contestations, l’idée sera retravaillée en un projet de règlement visant à contrôler le type et la grosseur des enseignes et affiches publicitaires pouvant être utilisés. 

Mr Muffler. - 1972. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P159

Mr Muffler. – 1972. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P159

C’est en 1963 qu’apparaît une réglementation plus sévère par rapport aux enseignes. Le règlement 2889 indique que les enseignes doivent être posées à plat sur les murs d’un bâtiment, sans en dépasser les extrémités ni le toit. Les enseignes lumineuses doivent faire face à la rue à moins d’être à plus de 100 pieds du sol. On limite généralement le nombre d’enseignes à une par bâtiment, à moins que le bâtiment soit situé à une intersection ; une enseigne par rue est alors permise. Les enseignes ne doivent donc plus empiéter sur les trottoirs. Il devient obligatoire d’obtenir un permis avant d’installer une enseigne. 

Claude Richer Ameublement Ste-Catherine, 2211 avenue du Mont-Royal. - [197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P146

Claude Richer Ameublement Ste-Catherine, 2211 avenue du Mont-Royal. – [197-]. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P146

Suite à de nombreuses contestations, des droits acquis sont donnés aux commerces qui avaient déjà des enseignes ne répondant pas à la nouvelle réglementation. Ils peuvent donc conserver leurs enseignes pour une durée de 10 ans, jusqu’en 1973. Cela implique cependant qu’aucune modification ne peut être faite aux enseignes existantes, sauf réparations mineures. Cela explique pourquoi on retrouve toujours au début des années 1970 ces énormes enseignes lumineuses installées sur supports métalliques dépassant les toits, reliques des années 1950.

Au cours des années 1980 et 1990, plusieurs règlements d’urbanisme continuent à régir l’utilisation des enseignes. Les enseignes ne peuvent par exemple plus obstruer la vue à partir des fenêtres d’un bâtiment, embarquer sur l’espace du trottoir ou avoir des couleurs et des lumières pouvant déconcentrer les automobilistes. Selon les rues et les arrondissements, il peut également ne pas être possible d’avoir le même type d’enseigne. Les arrondissements sont généralement responsables de leurs propres réglementations.

 

Certaines enseignes sont jugées comme faisant partie du patrimoine culturel de Montréal et peuvent donc rester, comme les enseignes en néon de la brasserie Molson ou de l’usine de farine Five Roses. La fermeture de l’enseigne Five Roses a d’ailleurs beaucoup fait parler dans les années 2000 suite à la vente de l’usine. D’un côté, les personnes avides du patrimoine montréalais crient à la perte d’un symbole fort de la métropole alors que de l’autre, certains sont prêts à laisser les enseignes en néon dans le passé et à se tourner vers l’avenir pour de nouveaux symboles. Chose certaine, les enseignes n’ont plus la même place dans le paysage urbain que lors des années 1960 et 1970. 

Orange Julep. - 1964. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P028

Orange Julep. – 1964. Archives de la Ville de Montréal. VM097-Y-02-12A-P028

Notre album Flickr comprenant 51 photos :
https://www.flickr.com/photos/archivesmontreal/sets/72177720310180168

La sous-sous-série Enseignes et publicités. – [196-]-[199-] dans notre catalogue :
https://archivesdemontreal.ica-atom.org/d12a-enseignes-et-publicites-196-199

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Sources : 

Fonds Urbanisme et habitation. – [192-]-2002. VM097. Archives de la Ville de Montréal.
https://archivesdemontreal.ica-atom.org/fonds-urbanisme-et-habitation-192-2002

Dossiers sur les enseignes de commerces.  VM166-1-1-D9218 et VM166-1-1-D1825. Archives de la Ville de Montréal. https://archivesdemontreal.ica-atom.org/d36000-a-3-industries-et-commerces-enseignes-reglements-1890-1989 

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2 réponses à Les enseignes commerciales des années 1950 à 1970

  1. Edwin Bermudez dit :

    Bel article bien illustré et informatif.

  2. Elizabeth-Ann Doyle dit :

    Avez-vous une section ou un article similaire sur les enseignes publicitaires peintes directement sur la maçonnerie ?

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