Les quartiers disparus de Montréal : le secteur de la Place des Arts. 1958-1964.

La Section des archives de la Ville de Montréal a acquis en janvier dernier le Fonds Florent Charbonneau (P158), qui documente principalement le projet de construction de la Place des Arts. Près de 1400 photographies ainsi qu’un film sont maintenant décrits et entièrement numérisés afin d’en assurer la conservation et d’en faciliter la diffusion. Nous tenons à remercier Mme Monique Dussault pour la confiance accordée en nous remettant ainsi les archives photographiques de M. Charbonneau, décédé en octobre 2015.

La richesse de ce fonds offre l’opportunité de publier plus d’un article autour du sujet. Nous débutons cette série avec la thématique des quartiers disparus.

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Dès son premier mandat à la mairie de Montréal en 1954, Jean Drapeau caresse l’idée que Montréal ait un centre culturel d’envergure internationale. Des rencontres et des discussions ont lieu dès 1955 et, le 25 janvier 1956, l’Assemblée législative du Québec adopte le bill 25 : Loi pour faciliter l’établissement et l’administration d’une salle de concert à Montréal. La Corporation Sir Georges-Étienne-Cartier est alors créée spécialement pour chapeauter la réalisation du projet de la Place des Arts.

La Corporation mandate l’agence The Raymond Loewy Corporation afin qu’elle produise une étude sur la création d’un centre culturel à Montréal. L’analyse, remise en 1958, considère des éléments tels la conception des auditoriums, la localisation du site, les coûts, la gestion du projet, etc. Le site de 6.5 acres (26 305 m2) choisi pour la construction de la nouvelle place est délimité à l’ouest par la rue Jeanne-Mance, au nord par la rue Ontario Ouest, à l’est par la rue Saint-Urbain et au sud par la rue Sainte-Catherine.

Vue aérienne oblique, vers le nord, du site de la future Place des Arts. / Florent Charbonneau. - 4 août 1960. - Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_22-P001

Vue aérienne oblique, vers le nord, du site de la future Place des Arts. / Florent Charbonneau. – 4 août 1960. – Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_22-P001

En plus des quatre rues limitrophes du quadrilatère de la future place, d’autres rues sont aussi touchées dans le cadre des travaux à réaliser. Les rues du Plateau, Winning ainsi que la ruelle Alcide disparaissent alors que les rues Joséphine et de Montigny sont modifiées.

Extrait du plan 56-68 de la sous-série des plans généraux d’utilisation du sol de la Ville de Montréal. – 1949. – Archives de la Ville de Montréal. VM165-1_1-56-68_Extrait

Extrait du plan 56-68 de la sous-série des plans généraux d’utilisation du sol de la Ville de Montréal. – 1949. – Archives de la Ville de Montréal. VM097-04-01-D06_56-68_Extrait

Le secteur choisi est le lieu de transformations majeures. La Corporation Sir Georges-Étienne-Cartier fait l’acquisition de presque toutes les propriétés du quadrilatère en vue de les démolir (23 bâtiments sont démolis). Des expropriations sont aussi réalisées afin que la Corporation puisse prendre possession, le 1er mai 1961, des terrains laissés vacants.

Un plan daté de janvier 1959 indique quelles seront les étapes de démolition et d’expropriation prévues avant le début des travaux de construction.

Plan et échéancier des expropriations et des démolitions du secteur situé à l’intérieur du secteur bordé par les rues Jeanne-Mance, Ontario Ouest, Saint-Urbain et Sainte-Catherine. / Florent Charbonneau. - 13 janvier 1959. - Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_09-P001

Plan et échéancier des expropriations et des démolitions du secteur bordé par les rues Jeanne-Mance, Ontario Ouest, Saint-Urbain et Sainte-Catherine. / Florent Charbonneau. – 13 janvier 1959. – Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_09-P001

Seuls quelques immeubles demeurent, dont l’édifice du Woodhouse Department Store et celui de l’International Ladies Garment Workers Union, expropriés ultérieurement.

Édifice du Woodhouse Department Store, situé à l’intersection sud-ouest des rues Sainte-Catherine et Saint-Urbain. On aperçoit à sa gauche, sur Sainte-Catherine, la chapelle Dominique-Savio, aussi appelé oratoire Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus. / Florent Charbonneau. - 25 février 1960. - Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_12-P004

Édifice du Woodhouse Department Store, situé à l’intersection nord-ouest des rues Sainte-Catherine et Saint-Urbain. On aperçoit à sa gauche, sur Sainte-Catherine, la chapelle Dominique-Savio, aussi appelé oratoire Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus. / Florent Charbonneau. – 25 février 1960. – Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_12-P004

Située dans la partie nord-est du quadrilatère se trouve L’Académie commerciale catholique de Montréal, aussi connue sous le nom de l’Académie du Plateau. Inaugurée le 19 juin 1872, elle est la première école construite par la Commission des écoles catholiques de Montréal, aujourd’hui la Commission scolaire de Montréal, qui y installe son siège social. Elle est « l’une des premières écoles pour l’enseignement des études commerciales au Canada » (CSDM, 2017). Un peu moins de deux ans après son inauguration, l’École scientifique et industrielle (qui devient l’École Polytechnique de Montréal deux ans plus tard) s’ajoute à cette institution. L’Académie est un des principaux immeubles démolis dans le cadre de ces travaux.

L’Académie commerciale catholique de Montréal, aussi appelée l’Académie du Plateau, avec à sa gauche le bâtiment qui fut, de 1875 à 1904, l’École Polytechnique. / Florent Charbonneau. - 25 février 1960. - Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_12-P008

L’Académie commerciale catholique de Montréal, aussi appelée l’Académie du Plateau, avec à sa gauche le bâtiment qui fut, de 1875 à 1904, l’École Polytechnique. / Florent Charbonneau. – 25 février 1960. – Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_12-P008

Un autre important immeuble disparaît du site de la future place, situé du côté nord de la rue Sainte-Catherine : l’Institut Dominique Savio, auquel est rattaché l’oratoire Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus, aussi connu sous le nom de chapelle Dominique Savio. Construit vers 1850, le bâtiment est d’abord occupé par l’institut Nazareth, une école pour les jeunes aveugles. La chapelle est ajoutée entre 1855 et 1860 et richement ornée des fresques de Napoléon Bourassa entre 1870 et 1872. En 1953, le bâtiment est occupé par l’orphelinat Les Buissonnets qui, en 1953, devient l’Institut Dominique Savio. L’immeuble est démoli en 1960. Les fresques n’ont pu être conservées mais ont été heureusement photographiées pour en préserver leur mémoire.

Façade de la chapelle Dominique-Savio, située sur le côté nord de la rue Sainte-Catherine, entre les rues Jeanne-Mance et Saint-Urbain. Sur le côté sud de la rue Sainte-Catherine, on aperçoit une plaque indiquant la rue Benoît, aujourd’hui disparue. / Florent Charbonneau. - 25 février 1960. - Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_12-P010

Façade de la chapelle Dominique-Savio, située sur le côté nord de la rue Sainte-Catherine, entre les rues Jeanne-Mance et Saint-Urbain. Sur le côté sud de la rue Sainte-Catherine, on aperçoit une plaque indiquant la rue Benoît, aujourd’hui disparue. / Florent Charbonneau. – 25 février 1960. – Archives de la Ville de Montréal. P158-Y-3_12-P010

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Vous pouvez consulter notre album Flickr, qui présente une sélection de 112 magnifiques photographies tirées du Fonds Florent Charbonneau : https://www.flickr.com/photos/archivesmontreal/albums/72157687797215994.

Vous pouvez aussi accéder à l’ensemble du Fonds Florent Charbonneau (P158) décrit dans notre catalogue : https://archivesdemontreal.ica-atom.org/fonds-florent-charbonneau-1958-1964

À voir également :
Les quartiers disparus de Montréal : le Red Light
Les quartiers disparus de Montréal : le Faubourg à m’lasse
Les quartiers disparus de Montréal : Victoriatown
Les quartiers disparus de Montréal : le secteur de l’autoroute Ville-Marie
Les quartiers disparus de Montréal : la Petite-Bourgogne                                                              Les quartier disparus de Montréal : la Petite-Bourgogne : Mouvements citoyens

Sources consultées :
– The Raymond Loewy Corporation – Market Plans Division. 1958. A cultural Center in Montreal : An Economic Analysis in The Arts For Corporation Sir Georges-Etienne Cartier : https://archivesdemontreal.ica-atom.org/cultural-center-in-montreal-economic-analysis-in-arts-raymond-loewy-corporation-market-plans-division-corporation-sir-georges-etienne-cartier
– Fonds Claude Robillard – Corporation Sir Georges-Étienne Cartier / Place des Arts. – 1963-1965; surtout mai 1963 – avril 1964 : https://archivesdemontreal.ica-atom.org/corporation-sir-georges-etienne-cartier-place-des-arts-1963-1965-surtout-mai-1963-avril-1964
– Cha, Jonathan. 2006. La construction et le mythe de la Place des Arts : genèse de la place montréalaise : https://patrimoine.uqam.ca/upload/files/publications/SEAC-Place-des-Arts.pdf
– Renaud, François et Claude Des Landes. 2009. Le Conseil des arts de Montréal – 50 ans au service de la communauté artistique montréalaise.
– Commission scolaire de Montréal (SCDM). 2017. Capsule historique : la première école construite par la CSDM : https://csdm.ca/nouvelles/capsule-historique-premiere-ecole-construite-commission-scolaire/

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11 réponses à Les quartiers disparus de Montréal : le secteur de la Place des Arts. 1958-1964.

  1. Lafontaine, Gilles dit :

    Bravo Suzanne, article très intéressant.

  2. Denise Groulx dit :

    Ce quartier était le mien. J’y suis née en 1951 sur la rue St-Denis près du Carré Viger. Nous déménagions souvent. Je me souviens avoir habité sur les rue De Bullion, Ste-Elizabeth, la ruelle Joséphine, la rue Clark, St-Dominique, Jeanne-Mance et j’en oublie sûrement.

    Ma dernière adresse fut sur la rue St-Norbert de laquelle nous partîmes en 1963.

    Je vous suis reconnaissante de nous partager ces photos car je n,ai aucun souvenir tangible de mon quartier. Quand je marche sur la Place des Spectacles, je sais que c’était là que je vivais autrefois.

    J’ai beaucoup de souvenirs de mon enfance dans ce quartier défavorisé. Pauvre mais heureuse!

    Merci beaucoup.

  3. Paquette Diane dit :

    Comment vous remerciez? J’ai retracé la maison où je suis née ainsi que deux de mes frères….en 1952 1954 et 1955 et oui. Ma mère accouchait à la maison…Notre logis était situé dans la ruelle Leduc disparue lors de la construction des Habitations Jeanne-Mance…un trésor! une richesse que je partage avec ma soeur Rolande qui avait quatre ans quand je suis née et qui en possède plusieurs souvenirs… WoW!!! Merci!

    Merci à tous
    Diane Paquette

    • Suzanne Mathieu dit :

      Bonjour Madame Paquette,

      Merci pour votre message!

      Nous travaillons fort à faire connaître nos archives et sommes heureux de savoir que ce travail permet aussi à certaines personnes de découvrir de précieux souvenirs.

      Bonne journée,

    • Isabelle Marjorie Tremblay dit :

      Bonjour Mme Paquette,

      Quelle bonne nouvelle de trouver ses origines !

      Je cherche des gens ayant grandit dans la Ruelle Leduc pour un projet, qui sera réalisé bientôt. Est-ce que vous pourriez me donner vos coordonnées/courriel svp.

      Merci !

      Isabelle Marjorie Tremblay

  4. NICOLE PARENTE dit :

    j’aimerais avoir des infos sur l’Orphelinat Saint Joseph rue saint André au coin de Dorchester dans le temps
    merci

  5. Suzanne Paquin dit :

    J’aimerais savoir en quelle année il y a eu la démolitions des commerces rue Ste-Catherine pour la construction du Complexe Desjardins.

  6. Edmond Richer dit :

    Quel souvenir de revoir l’endroit ou j’ai passé sept ans de ma jeunesse soit à l’institut Dominique Savio . Tous mes plus beaux souvenirs sont et sont toujours restés à cet endroit . Mes deux frères Claude , Roland et moi y avons été très heureux placés à cet endroit suite au décès de notre mère . Remerciements aux religieux qui ont sus faire de nous de bonnes personnes .

    • Denise Groulx dit :

      Ca fait du bien de vous lire monsieur. On entend tellement de mauvais commentaires sur nos religieux et religieuses que de lire votre témoignage me fait du bien. J’ai été pensionnaire chez les religieuses et j,ai été éduquée par elles et je n,ai aussi que de bons souvenirs. merci.

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