Par Julie Fontaine
Après la répression sévère des rébellions patriotes de 1837-1838, le Canada se trouve dans un état de tension politique sans précédent. Plus que jamais, les divergences entre Canadiens français et leurs compatriotes anglophones se font sentir, de même que celles entre réformistes et partisans du « family compact ». La réponse à ces tensions s’incarne dans le rapport Durham et dans l’entrée en vigueur de sa principale recommandation, l’Acte d’Union. Pour les Canadiens français, l’heure est critique. L’Acte d’Union a comme finalité avouée leur assimilation. Aussi, pour la majorité d’entre eux – les anciens patriotes en tête – à défaut de révolte, la situation semble sans issue.
Or voilà que Louis-Hippolyte La Fontaine, autrefois patriote convaincu, choisit d’accepter l’Acte d’Union. Ce geste audacieux est immédiatement décrié et perçu comme une trahison par la plupart des Canadiens français. Il est pourtant animé par une logique qui portera fruit à long terme: plutôt cautionner l’Acte d’Union et déjouer de l’intérieur ses effets pervers en s’alliant aux réformistes du Haut-Canada, que de se marginaliser du pouvoir dirigeant en adoptant une position inflexible.
Le pari de La Fontaine trouve écho en la personne de Robert Baldwin, réformiste du Haut-Canada. Lorsque La Fontaine est défait aux élections de 1841, c’est lui qui permet à ce dernier d’être tout de même élu en lui offrant le siège de la circonscription de 4th York. Quand l’année suivante La Fontaine devient procureur général du Bas-Canada, il forme avec Baldwin un ministère qui s’efforce de rendre l’Acte d’Union plus démocratique et de promouvoir les principes du gouvernement responsable. Toutefois, le ministère La Fontaine-Baldwin demeure en poste peu de temps. En effet, il démissionne en bloc le 27 novembre 1843 pour protester contre l’intransigeance du nouveau gouverneur général, Sir Charles Metcalfe, à l’égard de leur administration.
Quatre ans passés dans l’opposition s’écoulent avant que La Fontaine reprenne le pouvoir aux élections de 1847-1848. En mars 1848, il est nommé procureur général du Canada-Uni et devient, de fait, le premier Canadien, francophone de surcroît, à devenir premier ministre du pays. Cette nomination marque officiellement l’avènement du gouvernement responsable, principe qui reçoit l’aval du gouverneur de l’époque, Lord Elgin.
Jusqu’à sa démission en 1851, La Fontaine cumule, aux côtés de son acolyte Robert Baldwin, plusieurs réalisations politiques. En 1849, il fait notamment indemniser les victimes des rébellions patriotes au Bas-Canada. Il travaillera également à réformer en profondeur le système d’éducation au pays.
Deux ans après son retrait de la vie politique, La Fontaine est nommé juge en chef de la Cour du banc de la reine. En 1855, il reçoit par ailleurs le titre de baronnet (Sir). Sa santé ayant toujours été fragile, Louis-Hippolyte La Fontaine succombe à une attaque d’apoplexie le 26 février 1864. Il n’a que 57 ans.