Par Gilles Lafontaine
L’étude de la statuaire peut s’avérer riche de renseignements pour quiconque porte un regard sociologique sur le passé. En fait, ce qu’on perçoit d’emblée comme la glorification d’un personnage historique nous conduit à un second niveau d’analyse axé vers une meilleure compréhension du climat intellectuel d’une époque. A ce propos, Montréal possède une formidable collection de 300 œuvres d’art public qui ont toutes une histoire à nous raconter. L’année 2005 marque le 75e anniversaire du dévoilement du monument dédié à Jean Vauquelin, l’un des héros des derniers moments de la Nouvelle-France. On peut l’admirer sur l’allée piétonnière située entre l’hôtel de ville et l’ancien palais de justice, dite Place Vauquelin. L’idée de départ remonte à 1927. Un comité est formé afin d’organiser une vaste souscription populaire devant financer le projet.
Mais qui est au juste Jean Vauquelin? Fils d’un armateur de Dieppe, il naît en 1727. En 1756, le roi de France lui confie le commandement d’une frégate à bord de laquelle il réussit à traverser le blocus établi par la flotte anglaise, à Louisbourg en 1758, pour ensuite rentrer en France chercher du secours. Peu de temps après, il revient à la charge mais cette fois au commandement de deux frégates. Le dernier épisode se joue le 16 mai 1760 en face de Québec. Vauquelin remonte le fleuve avec, dans son sillage, les navires anglais. Il s’échouera sur les battures de la Pointe-aux-Trembles, un bande de terre appartenant à la seigneurie de Neuville et, malgré un équipage décimé, il combattra avec l’énergie d’un enragé pendant deux bonnes heures. Avant de se rendre, il assurera la mise sous protection des hommes toujours debout. Au moment de sa reddition, entouré de blessés, il forcera l’admiration du commandant Anglais Swanton qui l’autorisera à regagner la France où il mourut en 1772.
C’est donc par un bel après-midi du 22 juin 1930 qu’on se remémore ces moments épiques à l’occasion du dévoilement du monument. Quinze à vingt mille personnes se sont déplacées pour écouter les nombreux discours prononcés par un aréopage de dignitaires. Pour nous remettre dans l’atmosphère, voici ce qu’en disait le ministre de l’Agriculture de l’époque, l’Honorable J.-L. Perron : « Il n’est pas, pour une race, pour un peuple, pour un pays, source plus grande de force morale, d’énergie et de volonté, que la fidélité du souvenir, que le culte, en quelque sorte, de ceux du même sang dont l’héroïsme est entré dans l’Histoire» (Journal La Presse, 23 juin 1930).