Chronique Montréalité no 25 : Brève histoire du déneigement à Montréal


À tous les lundis et pour une troisième saison, une chronique des Archives de Montréal est présentée à l’émission Montréalité sur la chaîne MAtv (https://montrealite.tv/). Vous pourrez revoir les archives sélectionnées et aussi lire les informations diffusées et inédites. Regardez notre chronique à la télé et venez lire notre article sur archivesdemontreal.com

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Déneigement à Montréal, 7 janvier 1959, VM94-U1019-011

Au 18e siècle

La question du déneigement à Montréal est un sujet aussi ancien que la création de la ville en 1642. À l’époque de la Nouvelle-France, il n’y avait pratiquement aucune circulation les jours de tempêtes et les lendemains. La plupart du temps, les citoyens repoussaient la neige au milieu de la rue.

En 1747, le lieutenant général Guiton de Monrepos mentionne que les rues étaient impraticables parce qu’elles étaient encombrées «de buttes et hauteurs formées par les neiges». Les années suivantes, il revient constamment à la charge avec des ordonnances obligeant les citoyens à enlever la neige sans la rejeter dans les rues. C’est peine perdue. Bref, il est plus facile de se déplacer en raquettes.

Trappeur, début du 19e siècle, BM99-1_01P196

Sous le régime anglais, aucun changement notable ne survient sauf en 1796, alors que les soldats britanniques en garnison à Montréal sont chargés de déneiger. On retrouve aussi le grand voyer, responsable des chemins, qui reçoit l’autorisation d’engager 24 hommes pour nettoyer les voies de communications dans les faubourgs de la ville.

Au 19e siècle

Tout d’abord, la neige n’est pas ramassée mais plutôt tapée. Chaque citoyen est responsable de déneiger le trottoir face à sa maison et souvent la voie publique. En 1841, les citoyens doivent faire en sorte qu’il n’y ait pas plus de 2 pieds de neige devant leur maison 24 heures après la tempête. L’année suivante, les trottoirs ne doivent pas avoir plus de 4 pouces de neige.

En 1866, on commence à utiliser une charrue attelée à un cheval lorsque la neige n’est pas trop dure.

Chasse-neige ou charrue, années 1930, VM94-Z99-1

Durant la décennie suivante, en vertu d’un règlement municipal, les citoyens doivent enlever la neige des trottoirs une heure après la fin de la chute ou avant 9h00 pour celle tombée la nuit. Ces règlements sur l’enlèvement de la neige sont difficiles à faire appliquer. Les plus délinquants sont les riches Montréalais qui souhaitent que la Ville s’en charge et impose une taxe. L’administration montréalaise est en désaccord car elle considère que ce serait pénaliser les citoyens les plus pauvres qui eux déneigent.

À la fin du 19e siècle, le déneigement des rues prend un tournant avec l’arrivée du tramway électrique en 1892. Auparavant, lorsque les tramways étaient tirés par des chevaux, la compagnie de tramways abandonnait ses rails l’hiver pour utiliser des traîneaux.

Tramway à chevaux, photo d’Edgar Gariépy, avant 1892, BM42-G1048

La compagnie est responsable de l’entretien des rues où passent ces tramways. On utilise ainsi des tramways avec une pelle avant et des véhicules spécifiques avec balais pour nettoyer les rails.

Tramway en hiver rue Saint-Denis, 1914, BM42-G1227

Prise en charge

En 1905, la Ville décide de prendre en charge l’enlèvement de la neige sur les trottoirs dans les quartiers Est, Centre et Ouest (le Vieux-Montréal actuel). Cinq ans plus tard, le tout est étendu à l’ensemble de la ville. À cette époque, la Ville achète 24 charrues (ou chasse-neige)

Quand la neige commence à tomber, un grand nombre d’hommes se dirigent à l’hôtel de ville dans l’espoir d’être engagé à 25 cents de l’heure. Ceux qui sont engagés, la plupart du temps par patronage, se dirigent vers la rue qui leur a été désigné avec leur pelle. La neige qu’ils recueillent est déposée dans des bennes à neige tirés par des chevaux.

Benne à neige, années 1930, VM94-Z36-1a

La mécanisation

L’importance grandissante de l’automobile va obliger les gouvernements à favoriser une meilleure circulation. On expérimente le déneigement des grandes routes dans la région de Montréal durant l’hiver 1928-1929. En 1932, toutes celles de la région montréalaises sont déneigées.

C’est à la fin des années 1920 et durant la crise des années 1930 que la Ville de Montréal achète des chasse-neige ou «charrues» motorisés. Toutefois, ces décisions donnent lieu à de grands débats au sein du conseil municipal. Certains conseillers croient que les services de voirie offerts aux citoyens seraient meilleurs si Montréal avaient ces véhicules dont certains seraient adaptés aux trottoirs.

Chasse-neige motorisés, 1930, VM94-Z38-2

Par contre, d’autres s’y opposent en affirmant que ces appareils mettent en péril «l’ouvrage aux chômeurs hivernaux» en pleine période de crise économique. N’oublions pas qu’à cette époque une grande partie du déneigement se fait «à la mitaine»..

Arthur Sicard et son invention

Souffleuse, années 1930, VM94-Z1890-5

Arthur Sicard est le génial inventeur de l’engin qui a modifié nos rapports avec l’hiver : la souffleuse. Il est né à Saint-Léonard en 1876 et son invention date de 1925.
Deux ans plus tard, la ville d’Outremont lui commande son premier appareil au moment où la Ville de Montréal fait l’essai de ce que l’on désigne aussi sous le nom de «charge-neige automatique».

Souffleuses, 31 janvier 1974, VM94-U1235-010

En 1928, Montréal fait l’achat de 2 souffleuses de l’industriel Sicard pour ses quartiers éloignés. Sa firme est alors installée dans le quartier Maisonneuve sur la rue Adam avant de déménager au 1805, rue Bennett. Arthur Sicard meurt en septembre 1946 mais plusieurs générations d’enfants ont été marqué par les souffleuses. Ces enfants pouvaient se lever la nuit pour voir passer ces véritables attractions.

Publicité de la compagnie Sicard, 1946, VM150-Y-1_4-071

Il y aurait tant à dire pour les décennies 1940 à 1970 car le déneigement y prend son essor avec les souffleuses Sicard, les chasse-neige Sicard et les chenillettes Bombardier. Par contre, il arrivait encore fréquemment que les rues secondaires ne soient pas ouvertes avant plusieurs jours comme on peut le voir sur la rue Saint-Philippe à Saint-Henri en 1972.

Rue Saint-Philippe, 1972, VM94-A0724-023

Dans les archives de la Ville de Montréal, on peut retrouver d’innombrables documents sur l’histoire de déneigement à Montréal, un sujet très riche mais qui attend toujours son historienne ou son historien.

Déneigement sur la rue Craig (devenue Saint-Antoine), 4 février 1976, VM94-U1462-004

Voir aussi notre album photos sur le déneigement à Montréal de 1959 à 1976

https://www.flickr.com/photos/archivesmontreal/sets/72157633043304095

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6 réponses à Chronique Montréalité no 25 : Brève histoire du déneigement à Montréal

  1. Ping : Editorial: Montreal should be showing the world how to make winter livable | Montreal Gazette

  2. Bélise dit :

    Merci de cette brève histoire intéressante du déneigement à Montréal. J’aime bien voir comment les techniques du déneigement ont évolué depuis le 18e siècle. Je suis surtout reconnaissante pour le chasse-neige que nous avons aujourd’hui de sécuriser les rues pour les voitures.

  3. Samuel Lavoie dit :

    Intéressant de lire les débats que « l’industrialisation » du ramassage de la neige ont amenés avec les souffleuses modernes! Faut dire que le temps devait s’arrêter grandement et sur plusieurs jours à cette époque lors d’une grande tempête! :-)

  4. Payo dit :

    Je suis impressionnée par le nombre de chasses neige
    Combien en recense-t’on sur la région de Québec ?

    En effet un historien ( ou historienne ) ferait un énorme travail,si il y avait une thèse sur l’histoire du déneigement au Quebec

  5. Justin Bur dit :

    Le déneigement tel qu’on le connait aujourd’hui semble avoir été mis en place au milieu des années 1950. L’exposition Sensations urbaines au CCA en 2005-6 a permis de redécouvrir un court documentaire de l’ONF sur le déneigement à Montréal en 1956. Voyez le maire Drapeau en commandant des forces anti-neige! Sur le site web de l’ONF, en français et en anglais. https://www.onf.ca/film/deneigement/

    • Justin Bur dit :

      oups, pas de maire Drapeau dans ce film, seulement les cols bleus et les ingénieurs de la Ville; beaucoup de machines et des tonnes de neige.

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