Le «Vive le Québec libre!» lancé par le général de Gaulle du haut du balcon de l’hôtel de ville de Montréal a des répercussions internationales. La presse nord-américaine des 25 et 26 juillet se déchaine alors que la presse française est inquiète. Les journaux francophones montréalais sont plus modérés. Le Devoir, par la voix de son directeur Claude Ryan, trouve excessifs et déplacés les propos du chef d’état mais trouve aussi injustifiable «la vague de fureur qui s’empara en quelques heures d’à peu près tout le Canada anglais».
Le président français consacre sa journée du 25 juillet à Expo 67 où il inaugure la journée nationale de la France. De son discours de la Place des Nations, il conclut avec «Vive le Canada! Et vive le Québec». Viennent ensuite les visites de pavillons dont, au premier chef, celui de la France d’où il salue la foule du balcon, ou ceux du Québec et du Canada. La journée se termine avec un dîner d’État au pavillon de la France. Au même moment, le premier ministre canadien, Lester B. Pearson, par voie de communiqué, qualifie le discours de l’hôtel de ville d’«inacceptable». Durant la nuit de mardi à mercredi, le président de la France décide d’écourter son voyage et de ne pas se rendre à Ottawa.
La journée du 26 est très chargée. À 9h45, le général visite la régie centrale du métro à la station Berri-De Montigny (devenue Berri-UQAM) et prend le métro jusqu’à la Place des Arts qu’il parcourt brièvement. À 11h10, il est accueilli à l’Université de Montréal par le recteur Roger Gaudry et il prononce une allocution de huit minutes ovationnée par les étudiants et les professeurs. Le général se rend au belvédère du mont Royal où se trouve une compagnie Franche de la Marine et il adresse à nouveau quelques mots. Vient finalement le dîner où le maire Jean Drapeau compte bien répondre aux propos du 24.
Le repas a lieu à l’hôtel de ville dans la salle du conseil. Le maire entame son discours improvisé. Il exprime sa gratitude au général et non à la France : «Nous avons appris à vivre seuls, pendant deux siècles». Il souligne le rôle que le Canada français moderne est appelé à jouer au Canada et même en Amérique du Nord. Il lance comme un cri «Nous ne voudrions revivre ce qui a été vécu» et «Nous sommes attachés à cet immense pays»1 . De Gaulle en réponse au maire dira qu’il croit avoir été au fond des choses et évoque les échanges futurs entre le Québec et la France dans tous les secteurs d’activités. Il termine en levant son verre «en l’honneur de Montréal, de la Ville de Montréal, aujourd’hui plus chère à la France qu’elle ne l’a jamais été». Vers 15h30, Charles de Gaulle quitte l’hôtel de ville pour l’aéroport de Dorval d’où s’envole le DC-8 présidentiel à 16h22.
Ce voyage passionné et tumultueux entre alors dans l’Histoire.
1. Claude Ryan, dans Le Devoir dira : «Le discours improvisé que fit mercredi midi le maire de Montréal n’était pas nécessairement un chef-d’œuvre de concision. Dans le contexte où il a été prononcé, il eut cependant l’effet d’un véritable catalyseur et fut, à cet égard, un chef-d’œuvre de diplomatie, c’est-à-dire un alliage magistral de courtoisie, de chaleur et de fermeté (28 juillet 1967)».