« Tempête de verglas », « Crise du verglas »; encore aujourd’hui, le sujet semble régulièrement revenir dans les conversations de nos concitoyens. C’est dire à quel point cette catastrophe météorologique a marqué la conscience collective des Québécois. La plupart des gens affectés se souviennent avec un certain effarement des conséquences majeures de ces précipitations survenues entre le 4 et le 10 janvier 1998.
Au total, plus de 100mm de pluie verglaçante sont tombés sur diverses zones de la vallée du Saint-Laurent, depuis Kingston jusqu’aux Cantons de l’Est, occasionnant des pannes d’électricité majeures (1,4 million de clients au Québec) et le déplacement temporaire d’au moins 600 000 personnes. Fermeture de routes, effondrement de milliers de structures d’Hydro-Québec, explosion de transformateurs électriques, affaissements de structures, bris de millions d’arbres, les dégâts matériels ont par la suite été estimés à plus d’un milliard de dollars.
La tempête à Montréal
Notre métropole n’échappe pas à cette tempête et subit 80 heures de pluies verglaçantes. L’épaisse nappe de glace qui recouvre progressivement la ville devient rapidement très dangereuse. Les arbres jonchent les rues et les trottoirs. Les fils électriques pendent lourdement et menacent de céder sous le poids des branches et de la glace. Les secteurs les plus affectés sont Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, le Sud-Ouest, Rosemont-Petite-Patrie, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, le Plateau-Mont-Royal et le Centre-Sud.
Les routes deviennent impraticables. Les pannes électriques se multiplient alors que le réseau d’Hydro-Québec s’effondre partiellement. Les Montréalais gardent probablement en mémoire ces images fantomatiques d’un centre-ville déserté et englouti dans la noirceur. Ces pannes affectent même les usines de filtration d’eau et vont jusqu’à réduire à zéro l’alimentation en eau potable. On frôle la catastrophe. Le 8 janvier à 10h05, la Ville de Montréal déclare l’état d’alerte et met en œuvre son plan de mesures d’urgence. Ces mesures d’urgences vont durer jusqu’au 15 janvier suivant.
Les pannes électriques
Les premiers secteurs affectés par les pannes sont Côte-des-Neiges-Notre-Dame de Grâce et le Sud-Ouest. Plusieurs habitants de ces arrondissements vont demeurer sans électricité jusqu’à 10 jours. La Ville ouvre en conséquence ses premiers centres d’hébergement dès le 6 janvier.
À compter du 7 janvier, les pannes commencent à toucher d’autres secteurs de Montréal, occasionnant des coupures durant de quelques heures à quelques jours. Les secteurs allant du nord de la Ville au Centre-Sud et s’étendant vers l’est sont désormais affectés. Le 9 janvier, ce sont les usines de production d’eau potable qui sont touchées. On demande aux Montréalais de réduire leur consommation en eau. Les pannes atteignent le centre-ville, qui est fermé en partie à la circulation automobile, demeurant complètement désert les 9 et 10 janvier. Le service de métro est interrompu, avant de reprendre au ralenti jusqu’au 15 janvier suivant.
Le déglaçage des bâtiments et des structures
La glace couvre en quantité impressionnante les toits, les corniches et les structures en hauteur. Les risques de chutes de glace dans les rues se multiplient. Des signes d’effondrement partiel de toits plats apparaissent dès la deuxième semaine de la crise. Les ponts reliant Montréal à la Rive-Sud doivent être fermés (Mercier, Champlain, Victoria et Jacques-Cartier). Seul le tunnel Louis-Hyppolite-Lafontaine demeure en service.
La Ville de Montréal s’attaque en priorité au déglaçage des ponts, des viaducs, des centres d’hébergement, des hôpitaux, des CLSC, des écoles et des églises. À eux seuls, les pompiers travaillent sur plus de 100 bâtiments, dont certains au centre-ville. Des interventions se font parallèlement sur 40 viaducs, sur les ponts vers la Rive-Sud, sur la Biosphère, etc. Les panneaux de signalisation et les feux de circulation sont également visés. Plusieurs périmètres de sécurité sont érigés.
La Ville de Montréal mène en parallèle des inspections préventives des immeubles à risque, particulièrement dans le Vieux-Montréal. On surveille l’accumulation de glace mais également les affaissements de structures. Un quadrilatère important de cette zone est fermé durant une période prolongée. 26 évacuations sont ordonnées suite aux inspections.
Le déneigement et le déglaçage des rues et des trottoirs
Dès le début des précipitations, plus de 130 employés du Service des travaux publics travaillent à épandre des abrasifs et des fondants dans les rues. Le déblaiement commence alors que les précipitations atteignent 2,5 cm au sol. 700 employés sont à l’œuvre par quart de travail. À partir du 7 janvier, ces effectifs sont augmentés mais peinent à faire face à la crise grandissante. Des renforts sont envoyés par les villes de Québec, de Sherbrooke, de Beauport, de Saint-Léonard et de Westmount ainsi que du ministère des Trasports du Québec : souffleuses, auto-niveleuses, camionnettes, tracteurs-chargeurs, béliers mécaniques et opérateurs arrivent en grand nombre. Du 12 janvier au 22 janvier, les effectifs au travail atteignent 1550 personnes.
On déblaie en priorité pour les véhicules d’urgence. Sont également ciblés les centres d’hébergements, les casernes incendie ou les stationnements mis à la disposition des citoyens. On loue des appareils plus robustes pour casser la glace. Jour et nuit, l’équipement malmené doit être réparé dans les ateliers municipaux.
L’émondage et l’enlèvement des branches le long des rues et des trottoirs
Dès le 6 janvier, 8 000 appels de citoyens ont déjà été reçus par l’administration en lien avec le nombre considérable de branches jonchant les rues. Les équipes du Service des parcs sont d’abord mobilisées pour dégager les arbres obstruant les voies ou menaçant les fils électriques. C’est le cas dans plus de 20 000 endroits. Les employés doivent également dégager tous les débris empêchant le chargement de la glace et de la neige. Grâce à un travail acharné, la plupart des parcours de chargement sont nettoyés à partir du 9 janvier.
Des ressources supplémentaires sont mobilisées : des employés municipaux des services des immeubles, de l’approvisionnement, de la propreté ou du soutien technique se joignent par exemple aux équipes en place. Un contingent de 130 bûcherons et émondeurs est également intégré. Les Forces armées canadiennes assignent enfin jusqu’à 772 personnes au ramassage des branches, du 9 au 12 janvier.
Un appel aux citoyens est enfin lancé. On a besoin d’aide pour nettoyer les rues et les parcs. Des centaines de bénévoles sont ainsi être recrutés et encadrés par les organismes Éco-quartier. Ils contribuent notamment au ramassage des débris dans les parcs Angrignon et Mont-Royal.
Au total, près de 20 000 m3 de branches sont collectés et envoyés au complexe environnemental Saint-Michel afin d’être mis en copeaux.
L’approvisionnement en eau potable
Le 9 janvier à 12h38, l’alimentation électrique des deux usines de production d’eau potable (Atwater et des Baillets) cesse. Le maire Pierre Bourque demande au gouvernement du Québec et à Hydro-Québec de réagir d’urgence. Ce n’est qu’à 15h33 que deux pompes sur cinq de l’usine des Baillets sont remises en marche. À 22h30, l’alimentation en électricité est complètement rétablie.
Les pompes fonctionnent alors à 140% de leur rendement habituel afin de remplir les réservoirs pratiquement vides. La Ville demande aux Montréalais de réduire de 50% leur consommation en eau et émet un avis d’ébullition, qui sera levé deux jours plus tard. Plusieurs Montréalais habitant sur le flanc de la montagne sont privés d’eau. Des toilettes sèches doivent être installées dans certains centres d’hébergement.
Les incendies et le SPIM
Du 6 au 18 janvier, le Service de prévention des incendies de Montréal doit répondre à 5610 appels d’urgence (au lieu de la cinquantaine quotidienne usuelle). 43 incendies sont combattus, parmi lesquels 24 sont directement liés aux pannes d’électricité.
La fermeture temporaire des usines de production d’eau potable entraîne la baisse critique du niveau des réservoirs d’eau et fait chuter de manière dramatique la pression dans l’ensemble du réseau. Plusieurs bornes-fontaines deviennent inutilisables. Le SPIM se constitue des réserves d’eau dans des camions citernes afin d’être en mesure de poursuivre la lutte contre les incendies.
L’aide aux sinistrés
La longue durée des pannées d’électricité affecte évidemment de nombreux Montréalais. Impossible pour plusieurs de se loger, de se chauffer ou de se nourrir adéquatement.
Dès le début des mesures d’urgences, la Ville installe au 7400 boulevard Saint-Michel un centre de fonctionnement pour coordonner l’ensemble des services d’aide aux sinistrés. Plus de 450 personnes vont y travailler 24h par jour, durant toute la durée des événements.
Le 6 janvier, Montréal ouvre ses premiers centres d’hébergement. Chaque centre dispose d’une équipe constituée d’employés municipaux, d’employés d’organismes partenaires, de bénévoles ainsi que de représentants des CLSC et de la Croix-Rouge. En tout, près de 740 employés municipaux et 2 300 bénévoles assurent le bien-être physique et moral des sinistrés, et ce dans 23 centres d’hébergement. 13 500 matelas, 8 750 couvertures, 3 650 sacs de couchage, 2 300 lits de camp et 2 600 serviettes sont achetés. Au total, 25 000 hébergements vont être réalisés dans les centres entre le 6 et le 18 janvier. Plusieurs Montréalais vont également accueillir chez eux des groupes de sinistrés, via un mécanisme de coordination mis en place par la Ville.
Divers fournisseurs sont impliqués dans l’alimentation des personnes déplacées, y compris des organismes sans but lucratif comme le Club des petits déjeuners du Québec ou Moisson Montréal. Le dernier centre d’hébergement est fermé le 18 janvier.
Les évacuations et la sécurité publique
610 cordes de bois sont distribuées aux citoyens possédant des systèmes de chauffage d’appoint. Ces systèmes d’appoint parfois désuets constituent cependant un danger en eux-mêmes.
Des visites préventives et des évacuations sont donc menées dans les secteurs affectés. 8 000 visites ont par exemple lieu dans Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. Le Service de police de la CUM mène parallèlement des visites auprès de 200 000 foyers afin de maintenir la sécurité des citoyens et protéger les biens sur l’île. La supervision policière est particulièrement accrue dans les quartiers affectés par les pannes
Même si la situation se rétablit plus rapidement à Montréal que dans d’autres secteurs du Québec, la tempête du verglas aura eu un impact majeur et durable sur la Ville. Si plusieurs décès et blessures sont survenus dans le cadre de cette crise malheureuse, de nombreuses manifestations de solidarité ont parallèlement mis en relief la générosité et l’entraide naturelle qui caractérise bon nombre de Montréalais. La tempête aura également permis aux services publics de mieux prévoir d’éventuelles interventions en cas d’urgence.
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Photos
Pour consulter notre album de 55 photographies prises à Montréal entre le 8 et le 20 janvier 1998 :
Sources
Ville de Montréal. Février 1998. « Tempête de verglas » : mise en œuvre du plan des mesures d’urgence à Montréal. Synthèse des opérations des services municipaux. VM74/Z1,1998-005. Archives de la Ville de Montréal.
Association des chefs de service d’incendie du Montréal métropolitain. Septembre 1998. Mémoire adressé à la Commission scientifique et technique chargée de l’analyse des événements relatifs à la tempête de verglas du 5 au 9 janvier 1998. P114,S5,SS2,D7. Archives de la Ville de Montréal.
Service de sécurité incendie de Montréal. Tempête de verglas. https://ville.montreal.qc.ca/sim/histoire/tempete-de-verglas
Encyclopédie canadienne. Tempête de verglas de 1998. https://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/la-crise-du-verglas-1998/
J’ai d’excellents souvenirs du mois de Janvier 1998.
(Voir Verglas 1998). Ce fut une longue épreuve et un grand défi pour tout le monde.
Je m’en souviendrai longtemps.
c très grave omg!!! et je vais ment souvenir!!!!!!