Chronique Montréalité no 39 : La rue Sainte-Catherine, depuis 1758

À tous les lundis et pour une troisième saison, une chronique des Archives de Montréal est présentée à l’émission Montréalité sur la chaîne MAtv (https://montrealite.tv/). Vous pourrez revoir les archives sélectionnées et aussi lire les informations diffusées et inédites. Regardez notre chronique à la télé et venez lire notre article sur archivesdemontreal.com.

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La rue Sainte-Catherine près de McGill College, 1961, VM94-A0027-010

La rue Sainte-Catherine près de McGill College, 1961, VM94-A0027-010

Les débuts de la rue Sainte-Catherine

L’histoire de la rue Sainte-Catherine commence par un segment de rue dans le faubourg Saint-Laurent en 1758, soit deux ans avant la capitulation de Montréal face à l’armée britannique. En 1788, avec l’apport de nouveaux ajouts au cours des trois décennies précédentes, Sainte-Catherine s’étend des rues Saint-Alexandre à Sanguinet. Elle s’est ainsi développée au centre. La rue est prolongée vers l’Est jusqu’à la rue Panet dans les années 1820.

Extrait du plan de John Adams, 1825,VM66-S3P031

Extrait du plan de John Adams, 1825,VM66-S3P031

Vingt ans plus tard, en direction Ouest, elle est rendue à McGill College, puis dans les années 1850, elle atteint la rue Guy. En 1872, la rue Sainte-Catherine rejoint l,avenue Greene dans Westmount puis, lors de la décennie suivante, la rue Victoria.

Dans l’Est, elle va s’étendre jusqu’à De Lormier avant 1860 puis jusqu’à la rue du Havre dans Hochelaga. Elle franchit tout le quartier Maisonneuve entre 1890 et 1910.

La rue Sainte-Catherine Est dans Hochelaga près de la rue Préfontaine, 1930, VM98-Y_2P034

La rue Sainte-Catherine Est dans Hochelaga près de la rue Préfontaine, 1930, VM98-Y_2P034

On complète finalement cette rue de 11,2 km en continu dans les années 1950 à l’Ouest et à L’Est par de petits crochets. Dans Westmount, elle remonte au Nord vers Maisonneuve. À son extrémité Est, elle descend au Sud sur la rue Vimont pour rejoindre la rue Notre-Dame. À Montréal-Est et à Pointe-aux-Trembles, on retrouve aussi une rue Sainte-Catherine Comme le souligne si bien Paul-André Linteau dans son livre sur la rue Sainte-Catherine :

«Au total, plus d’un siècle et demi s’écoulera avant que le rue Sainte-Catherine ne soit ouverte sur tout son parcours (p. 15)».

L’origine du nom

C’est l’une des énigmes montréalaises car aucun document officiel ne fait référence à cette désignation. Ce toponyme apparaît au début du 19e siècle et il existe plusieurs hypothèses dont la plus vraisemblable serait que Jacques Viger, inspecteur des chemins depuis 1813 et premier maire, aurait choisi le nom de l’une de ses belles-filles, Catherine Élizabeth. Toutefois, comme le souligne à nouveau Paul-André Linteau, «l’origine de la rue Sainte-Catherine appartient à la légende (p. 23)».

Jacques Viger, années 1850,BM1-5P2202-3

Jacques Viger, années 1850,BM1-5P2202-3

Les grands magasins

La période faste de la rue Sainte-Catherine, à tous les points de vue, est la première moitié du 20 siècle. Quelques années auparavant, les magasins qui se trouvaient sur la rue Notre-Dame ou la rue Saint-Jacques, dans ce que l’on appelle aujourd’hui le Vieux-Montréal. vont migrer vers la partie ouest de Sainte-Catherine L’un des premiers est celui d’Henry Morgan, ouvert en 1845 sur Notre-Dame et qui déménage une première fois sur Saint-Jacques au Square Victoria. À ce dernier endroit, il implante le système des rayons en 1878. C’est en 1891, qu’il s’installe rue Sainte-Catherine au square Phillips son magasin à rayons (department store) que l’on désigne de nos jours de grand magasin.

Magasin Morgan (aujourd'hui La Baie- 587 rue Sainte-Catherine Ouest, entre les rues Union et Aylmer), VM94-Z66

Magasin Morgan (aujourd’hui La Baie- 587 rue Sainte-Catherine Ouest, entre les rues Union et Aylmer), VM94-Z66

En 1894, Morgan est imité par Murphy (près de Metcalfe) et deux ans plus tard par Ogilvy (près de la rue De la Montagne).

Publicité du magasin Ogilvy, 1906,P98-01_030 24

Publicité du magasin Ogilvy, 1906,P98-01_030 24

Durant la première décennie du 20e siècle, les autres grands magasins sont Scroggie, Hamilton et Goodwin.

Pulbicité du magasin Scoggie's, 1903,P98-01_023 36

Publicité du magasin Scroggie’s, 1903,P98-01_023 36

Murphy est racheté par Simpson en 1905 mais conserve son nom jusqu’en 1929.

Magasin Simpson(977,rue Sainte-Catherine Ouest, entre les rues et Mansfield), 1936, VM94-Z69-1

Magasin Simpson(977,rue Sainte-Catherine Ouest, entre les rues et Mansfield), 1936, VM94-Z69-1

Eaton achète Goodwin en 1925 et fait reconstruire le magasin jusqu’en 1931. Hamilton et Scroggie disparaissent durant la décennie 1920.  Dans l’Est, Nazaire Dupuis fonde son magasin en 1868 sur la rue Sainte-Catherine et s’installe au coin de Saint-André en 1882.

Rue Sainte-Catherine Est et magasin Dupuis frères, photo de Yvon Bellemare, 1961,VM94-A0027-004

Rue Sainte-Catherine Est et magasin Dupuis frères, photo de Yvon Bellemare, 1961,VM94-A0027-004

En 1892, l’arrivée du tramway électrique facilite l’accès à ces commerces. En deux ans, la ligne va de l’avenue Greene à la rue du Havre.

Se divertir

Le divertissement a toujours occupé une place importante sur la rue, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest. Pensons tout d’abord au théâtre Français inauguré en 1884, près de Saint-Dominique (Métropolis actuel), qui présente des spectacles populaire et du vaudeville en langue anglaise. À la fin de la décennie 1890, s’ouvre le Théâtre des variétés (près de Papineau) et qui ne durera que 2 ans de 1898 à 1900. Le Théâtre National (entre Montcalm et Beaudry) ouvre en 1900. En 1906, c’est le Ouimetoscope (coin Montcalm), exclusivement consacré au cinéma qui ouvre ses portes.

Publicité du Ouimetoscope, 1906,BM1-11_11op-1906-1-1

Publicité du Ouimetoscope, 1906,BM1-11_11op-1906-1-1

À compter des années 1917, on commence à construire des palais cinématographiques pour la projection de long métrages dans la partie Ouest de la rue comme le Princess (1917), le Loews (1917), le Palace (1921) ou le Séville (1929) dont les décorations intérieures sont réalisée par Emmanuel Briffa.

Rue Sainte-Catherine, 1946,VM95-Y-1-1-1_6-003

Rue Sainte-Catherine, 1946, VM95-Y-1-1-1_6-003

On ne peut passer sous silence les fameuses nuits de Montréal avec les restaurants, les cabarets ou les boîtes de nuits qui se multiplient à compter des années 1920 jusqu’à la fin des années 1950.

Rue Sainte-Catherine Ouest, 1964,VM94-A0144-029

Rue Sainte-Catherine Ouest, 1964,VM94-A0144-029

Dans les années 1950, avec les campagnes de moralité et l’arrivée de la télévision, la clientèle des spectacles voire du cinéma commence à diminuer. En 1957, Gratien Gélinas ouvre la Comédie canadienne et on construit la Place des Arts inauguré en septembre 1963. Le divertissement c’est aussi le sport et son temple, le Forum de Montréal au coin des rues Sainte-Catherine et Atwater.

Une rue polyvalente

La rue Sainte-Catherine, c’est aussi la présence de nombreuses institutions religieuses dont la Cathédrale Christ Church ou l’église Saint-James.

Église St. James (extrait de Montreal in Halftone), 1905, VM6R3153-2_463O-001

Église St. James (extrait de Montreal in Halftone), 1905, VM6R3153-2_463O-001

La rue va aussi se retrouver au cœur du nouveau centre-ville avec les nombreux immeubles à bureaux comme le Dominion Square Building construit en 1928-1929 jusqu’à la Place Ville-Marie au début des années 60.

La rue Sainte-Catherine, photo du CP, années 1930, VM6,R3153-2_1025-1396O-004

La rue Sainte-Catherine, photo du CP, années 1930, VM6,R3153-2_1025-1396O-004

Les décennies 1970-1980 et 1990 voient disparaître les grands magasins Dupuis, Eaton et Simpson au moment où apparaissent le complexe Desjardins (1976), les Promenades de la Cathédrale (1988) ou la Place Montréal Trust (1988).

La rue Sainte-Catherine c’est aussi la présence de l’UQAM à l’Est et de l’université Concordia à l’Ouest. C’est aussi le cœur du Quartier des spectacles. À compter de 2017,  la Ville de Montréal entreprendra un grand projet de rénovation de la rue Sainte-Catherine Ouest qui fut dévoilé le 13 mai dernier.

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 Sources

Létourneau, Geneviève avec la coll. de Paul-André Linteau. «La rue Sainte-Catherine et ses intersections» Les grandes rues de Montréal.   https://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5677,87721571&_dad=portal&_schema=PORTAL

Linteau, Paul-André. La rue Sainte-Catherine. Éditions de l’Homme, 2010. 237 p.

Projet Sainte-Catherine Ouest. https://realisonsmtl.ca/saintecath

Stewart, Alan. La rue Sainte-Catherine, l’artère commerciale de Montréal. Musée canadien de l’histoire.  https://www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/cpm/catalog/cat2411f.shtml

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8 réponses à Chronique Montréalité no 39 : La rue Sainte-Catherine, depuis 1758

  1. Jean Marc Rivest dit :

    J’aimerais recevoirrégulièrement vos documents. Merci

  2. Lina trudel dit :

    Bravo pour cette initiative

    Il faudrait lui donner plus de rayonnement.
    J’espère que votre organisme est appelé à jouer un rôle important dans le cadre du 375 anniversaire de Montréal. (voir la libre opinion parue dans Le Devoir du 25-5-2015)
    Lina Trudel

  3. Yvan Paquette dit :

    Vraiment très intéressant que ce survol de la rue Sainte-Catherine qui n’avait de saint, finalement, que le nom. On voir l’influence de M. Selfriges sur le commerce de détail.

  4. Nancy Marrelli dit :

    merci Archives de Montréal pour une histoire merveilleuse de cette importante rue de notre Ville!

  5. Le nom du magasin était Scroggie’s mais le texte en haut est écrit « Scroogie » puis « Scoggie’s »…

    Ma grand-tante Louisa était modiste chez Scroggie au début du 20e siècle, mais l’entreprise a fermé en 1922 et est aujourd’hui largement oubliée.

  6. …et voyons, quand on fait une recherche pour Scroggie’s – rien. Mais si je cherche « Scroogie » c’est beau. Je n’ai pas besoin d’expliquer à un archiviste comment une erreur de frappe peut cacher des informations à jamais.

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