Depuis le 22 septembre, à tous les lundis et pour une deuxième saison, une chronique des Archives de Montréal est présentée à l’émission Montréalité sur la chaîne MAtv (https://montrealite.tv/). Vous pourrez revoir les archives sélectionnées et aussi lire les informations diffusées et inédites. Regardez notre chronique à la télé et venez lire notre article sur archivesdemontreal.com
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Wolfred ou Horatio?
On pourrait penser que ce monument a été érigé en l’honneur de Wolfred Nelson, le patriote, vainqueur de la bataille de Saint-Denis en 1837 et maire de Montréal de 1854 à 1856. Il n’en est rien.
Cette colonne rend plutôt hommage à l’un des plus grands héros britanniques, l’amiral Horatio Nelson, qui a détruit la flotte française à deux reprises en 1798 et en 1805.
Le 21 octobre 1805, au large du cap Trafalgar, dans le sud de l’Espagne, Nelson affronte la flotte française de l’empereur Napoléon de même que la flotte espagnole. Il en sort vainqueur mais il meurt de ses blessures.
Les conséquences de cette victoire ont un impact majeur sur le cours de l’histoire. D’un côté, Napoléon ne peut plus envahir l’Angleterre et il décide alors de mettre en place le Blocus continental. De l’autre, la Grande-Bretagne devient maîtresse des mers pour un siècle.
Après sa mort, on préserve le corps de Nelson dans le brandy et on le rapatrie à Londres. Il est alors héros national et on lui fait des funérailles d’état.
L’origine du monument montréalais
Selon l’historien Robert Rumilly, c’est en décembre de la même année que la nouvelle de la victoire de Nelson parvient à Montréal par la voie des journaux de New York. Au moment où la nouvelle se répand, un grand bal est donné à l’Exchange Coffee House.
Le président du bal, la marchand de fourrures Samuel Gerrard propose qu’un monument soit élevé à sa mémoire. Il lance immédiatement une souscription en y mettant 20 livres. Les autres grands trafiquants de fourrures comme Frobisher, Henry, McGillivray et James McGill mettent aussi le même montant. Les Sulpiciens, seigneurs de Montréal, souscrivent aussi ainsi que les grandes familles canadiennes
La construction
Un comité est mis en place et la conception du monument est confiée à l’architecte londonien Robert Mtchell. La statue de même que les pièces ornementales en pierre artificielle, la pierre Coade, (couleur chamois) commandés à la compagnie du même nom, arrivent à Montréal en 1808.
En juillet 1809, le gouverneur Craig cède un terrain dans la partie nord du Marché Neuf (renommé Place Jacques-Cartier en 1847) face à la prison inaugurée en 1808 et au palais de justice. Ce secteur étant le centre-ville de de l’époque avec le marché et les grandes institutions gouvernementales.
À partir des indications de l’architecte Mitchell, le montréalais William Gilmore construit la base et la colonne en pierres grises de Montréal. Le monument est complété en 1809. C’est alors l’un des premiers monuments à la gloire de Nelson. Celui de Londres à Trafalgar Square est inauguré plus tard, en 1843.
Héros pour tous?
Au moment où il est inauguré, le monument en hommage à Nelson, suscitait-il la controverse chez les Montréalais? Selon les sources disponibles, il ne semble pas. Les religieux ont en mémoire le fait que la Révolution française a chassé plusieurs d’entre eux qui se sont réfugiés au Canada. De plus, il ne faut pas oublier que Napoléon Bonaparte, premier consul de la République française a vendu la Louisiane aux Etats-Unis en 1803, trois ans seulement après l’avoir acquise de l’Est. Cette vente ne semble pas rassurer les grandes familles canadiennes.
Tout change dans les années subséquentes et Napoléon 1er devient une référence incontournable contre l’impérialisme britannique de l’époque. Vers la fin du siècle, cinq jeunes canadiens-français de bonne famille, dont le fils de l’ancien premier ministre Mercier, projettent de détruire le monument. Le projet est éventé mais il n’y a pas de suites ou de conséquences pour ces jeunes hommes.
En 1930, on installe la statue de l’officier de marine Jean Vauquelin entre l’hôtel de ville et le palais de justice face à Nelson. Parrainée par la Société Saint-Jean-Baptiste, l’installation du monument à cet endroit est voulue. On désire commémorer un des derniers héros français de la Nouvelle-France et comme le souligne le répertoire en ligne du Vieux-Montréal, «c’est l’expression d’une réaction de l’élite canadienne-française face à un symbole de la domination britannique».
L’histoire récente
Durant la décennie 1990, des projets de restauration du monument sont lancés mais l’idée ne plait pas à tous. Même le maire Pierre Bourque se demande si ce monument ne devrait pas être déménagé près de l’avenue Trafalgar et du chemin de la Côte-des-Neiges, secteur aux portes de Westmount où l’on retrouve l’édifice Trafalgar. Certains souhaitent même que la colonne rende plutôt hommage à Wolfred Nelson.
Quoi qu’il en soit, des travaux de restauration sont entrepris et on fait réaliser une copie de la statue qui est installée en 1999. La colonne Nelson est le plus vieux monument public de Montréal et le plus ancien au monde célébrant l’amiral britannique.
Mais qu’a-t-on fait de la statue originale qui trônait au sommet du monument ? Elle est aujourd’hui exposée….au Centre d’histoire de Montréal.
Sources
Art public Ville de Montréal. «Monument à Nelson». https://artpublic.ville.montreal.qc.ca/oeuvre/monument-a-nelson/
BBC – Historis figures. https://www.bbc.co.uk/history/historic_figures/nelson_admiral_horatio_lord.shtml
Encyclopædia Britannica Online, s. v. « Horatio Nelson, Viscount Nelson », accessed novembre 11, 2014, https://www.britannica.com/EBchecked/topic/408359/Horatio-Nelson-Viscount-Nelson/5166/Victory-at-Trafalgar.
Le patrimoine du Vieux-Montréal en détail. «Monument à la mémoire de l’amiral Horatio Nelson, dit colonne Nelson» https://www.vieux.montreal.qc.ca/inventaire/fiches/fiche_art.php?id=2
Le patrimoine du Vieux-Montréal en détail.. «Monument à Jean Vauquelin» https://www.vieux.montreal.qc.ca/inventaire/fiches/fiche_art.php?id=6