Chronique Montréalité no 17 – La prison Au Pied du courant

Depuis le 22 septembre, à tous les lundis et pour une deuxième saison, une chronique des Archives de Montréal est présentée à l’émission Montréalité sur la chaîne MAtv (https://montrealite.tv/).  Vous pourrez revoir les archives sélectionnées et aussi lire les informations diffusées et inédites. Regardez notre chronique à la télé et venez lire notre article sur archivesdemontreal.com

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Prison du Pied-du-Courant, début 20e siècle, VM6,R3082-2_2145E-004

La première prison

Le projet d’une prison pour Montréal date de l’été 1707. Auparavant, une vieille maison  servait de lieu d’internement. La construction est terminée l’année suivante. Elle se trouvait probablement du côté nord de la rue Notre-Dame à l’ouest de Saint-Laurent.

En 1783, on installe la prison dans l’ancienne résidence des Jésuites sur le site actuel de la Place Vauquelin. Elle est détruite par un incendie au début du 19e siècle.

En 1808, on érige une véritable prison sur le site qui correspond à la moitié ouest de la Place Vauquelin ainsi qu’à la partie du Vieux palais de justice sur la rue Notre-Dame.
D’ailleurs, dans le sous-sol du Vieux Palais, on retrouve un anneau de fer où pouvait être enchaîné un prisonnier.

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Prison de la Place Vauquelin, 19e siècle, VM6,R3067-2_155E-1939-005

Projet de construction d’une nouvelle prison

Même si elle a été construite en 1808, on se rend compte une vingtaine d’années plus tard que la prison de la rue Notre-Dame est surpeuplée et inadéquate.  De plus, en décembre 1835, une enquête du Grand Jury est mise sur pied à la suite du décès d’un itinérant qui est mort en prison de faim et de froid.

Le rapport indique que la prison est vieille et qu’elle tombe en ruines (malgré seulement 27 années d’existence). Le jour, les prisonniers sont enfermés dans de grandes pièces avec un poêle au milieu sans quantité adéquate de bois. Le soir, ils sont enfermés dans de petites cellules, souvent sans couvertures car on ne dispose que de 54 couvertures pour 84 détenus et sans que personne n’alimente le feu en hiver.

Les accusés sont souvent enchaînés avant leur procès. Finalement, le comportement du geôlier et des ses fils est douteux. D’ailleurs, les fils semblent profiter des prostituées qui y sont enfermées. Elle sont au nombre de 37.

Aussi, dès le milieu des années 1820, on discute de la construction d’une prison plus vaste au gouvernement du Bas-Canada. Mais, en même temps, on s’interroge sur la réforme du système carcéral déjà mis en place aux États-Unis avec deux types de prisons modèles.

Débuts de la construction dans le quartier Sainte-Marie

En 1830, on fait l’acquisition du terrain à l’extérieur de la ville et près de l’eau pour une meilleure évacuation des eaux usées. C’est le terrain qui se trouve au pied du courant Sainte-Marie. La construction débute l’année suivante et la prison est ouverte en 1836, même si l’édifice ne sera vraiment complété qu’en 1840.

Le bâtiment a un corps central avec deux ailes de chaque côté et une aile arrière.
On retrouve des cellules à chaque étage avec des salles communes.  Les cellules sont individuelles et comme elles sont séparées par un long couloir, elles disposent de fenêtres.
Les femmes se retrouvent aussi dans cette prison mais dans l’aile arrière. Elles y seront jusqu’à la construction d’une prison des femmes en 1873 sur le site actuel du quartier général de la SQ rue Parthenais.

La prison des Patriotes de 1837-1838

La prison est aussi connue sous le nom de Prison des patriotes. Dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec, le nom officialisé est Prison des Patriotes Au-pied-du-courant.

003_R3082-2_2145E-011En 1837, ce sont 500 personnes qui sont emprisonnées dont la majorité à cette prison car certains d’entre eux sont enfermés dans la vielle prison du Champ-de-Mars. En 1838, on compte 800 prisonniers.

Dans ces circonstances, on retrouve plus d’un individu par cellule. Un des patriotes indique qu’il n’avait ni lit, ni paillasse, ni couverture et qu’il pouvait à peine se retourner quand il était couché.

Après le jugement, des patriotes seront déportés en Australie et aux Bermudes, dont le vainqueur de la bataille de Saint-Denis et futur maire de Montréal, Wolfred Nelson.

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Douze seront exécutés par pendaison, dont Chevalier De Lorimier. Son testament politique, conservé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), est l’un des documents d’archives les plus connus au Québec. Il est daté du 14 février 1839, veille de son exécution à la prison.

Les Archives de la Ville de Montréal possèdent une lettre touchante de De Lorimier datée du 12 février et adressée à son ami Robitaille. Il y écrit en tout premier lieu : «Je ne regretterais pas la vie si je n’avais ni femme, ni enfants, ni amis, ni Patrie..»

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Lettre de Chevalier de Lorimier à Robitaille, 12 février 1839, BM2-10_8 (page 1)

Et il termine par : «Soyez heureux et pensez toujours à moi. Adieu.»

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Lettre de Chevalier de Lorimier à Robitaille, 12 février 1839, BM2-10_8 (page 2)

Changement de vocation

La prison est agrandie à plusieurs reprises et le gouverneur Charles-Amédée Vallée se fait construire une demeure en 1894-1895 à l’angle de Notre-Dame et De Lorimier (nommée en 1883 en remplacement de Colborne).

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Maison du gouverneur de la prison, années 1970. VM6,R3082-2_2145E-010

À cette époque, le gouvernement souhaite construire un centre de détention plus important et il achète des terrains à Bordeaux. Ce projet ne prendra forme que vers 1905 et la prison de Bordeaux ouvrira ses portes en 1912.

Le Pied-du-Courant est laissé à l’abandon pendant neuf ans avant que ne s’y installe la toute nouvelle commission des Liqueurs en 1921. Dès lors, l’institution gouvernementale procède à la construction d’un vaste complexe.

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Vue aérienne du siège social de la Régie des alcools du Québec, années 1970, VM6,R3082-2_2145E-012

Le 24 juin 1926, on procède à l’inauguration du Monument des patriotes situé sur une minuscule place au milieu de la rue Notre-Dame.

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Monument des Patriotes, années 1970, VM6-D3020-40-017

Sources :

Borthwick, J. Douglas. History of the Montreal Prisons1907, 142 p.

Commission des biens culturels. Les chemins de la mémoire : Monuments et sites historiques du Québec. Tome II. Publications du Québec, 1991. p 150-154.

Lefebvre, Fernand, «La vie à la prison de Montréal au XIXe siècle». Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 7 no 4, 1954, p. 524-537.  https://www.erudit.org/revue/haf/1954/v7/n4/301623ar.html

La Prison des Patriotes : Lieu de mémoire des Rébellions de 1837-1838 https://www.mndp.qc.ca/prison/

Ollu, Yvon. «La prison de Montréal, 1708», Cahiers Gen-Histo, no 2, mars 1980. p. 23-32.

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Prison des Patriotes-au-Pied-du-Courant. https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92595&type=bien#.VE5V_dLuJI4

Place des Patriotes, vers 1926, VM98-Y_1P027

Place des Patriotes, vers 1926, VM98-Y_1P027

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3 réponses à Chronique Montréalité no 17 – La prison Au Pied du courant

  1. Joel dit :

    Salut,
    J’écris actuellement un essai comparatif sur les systèmes de chauffage et de ventilation du XIXe siècle Canada. Est-il possible d’obtenir des rapports de bâtiments historiques ou des plans de la prison du Pied du Courant? Plus précisément le système de chauffage.
    Merci

    • Nicolas Bednarz dit :

      Bonjour,
      Nous n’avons pas de plans de la prison du Pied-du-Courant aux archives historiques centrales de la Ville. Pour toute demande de recherche, merci de communiquer avec nous à l’adresse courriel [email protected]. Cordialement,

  2. Richard Bluteau dit :

    Richard Bluteau
    Hier à 10 h 23 ·
    Partagé avec Public
    Michel BLUTEAU BLUM01 MONTRéAL-VILLE 1 mention
    Le 22 novembre 1837, il est présent au sein des quelques deux cents patriotes armés, sous le commandement des chefs patriotes Édouard-f: Iisée Malhiot et Toussaint Goddu pour surprendre les troupes du colonel \, Vetherall à leur retour de l’attaque de Saint-Charles, vers Chambly. (Messier, 2002).

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