Il y a maintenant 100 ans, la Grande-Bretagne entrait en guerre contre l’Allemagne, entraînant à sa suite le Canada et les autres dominions britanniques. Comment les Montréalais, partis au front ou demeurés au pays, ont-ils vécu ce terrible conflit, d’une intensité sans précédent? Cette série de six articles vise à partager certaines traces émouvantes du passage de Montréal à travers cette époque troublée, qui ont été conservées dans nos chambres fortes.
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Lorsque la Grande Guerre éclate, la crise économique affecte déjà Montréal depuis l’année 1913. Les groupes de chômeurs ne cessent de croître, réclamant une aide significative de la part des autorités politiques. Le conflit européen et la demande subséquente en hommes, en produits alimentaires ou en munitions vont contribuer à mettre un terme à cette crise.
Dès la déclaration de guerre, l’Amirauté britannique prend le contrôle de tous les navires du Canadien Pacifique. En plus de ses navires que l’on transforme en croiseurs auxiliaires, la compagnie met à la disposition de l’Empire, ses importantes usines Angus situées dans le secteur de Rosemont, pour fabriquer du matériel de guerre, et son réseau ferroviaire pour transporter ce matériel. De manière générale, de nombreux navires faisant la traversée de l’Atlantique changent de vocation et sont réquisitionnés pour le transport de troupes ou à des fins militaires.
Le déclenchement de la guerre initie un léger souffle de panique au niveau économique. La fermeture des Bourses limite par exemple les ventes de titres tandis que plusieurs compagnies baissent les salaires alloués, ce qui accentue les problématiques de pauvreté dans la métropole. Mais la guerre s’avère parallèlement riche de possibilités pour nombre de compagnies et industries.
Les nations alliées achètent de plus en plus et les navires réquisitionnés naviguent bientôt sans relâche depuis le port de Montréal vers l’Europe. On transporte bien sûr des vivres, des vêtements et des chaussures, auxquels viennent s’ajouter une production de guerre jusque là inexistante au Canada. Les usines Angus reçoivent ainsi une importante commande de douilles d’obus et doivent rapidement mettre en place une chaîne de production importante, non sans tâtonnements. D’autres lui emboîtent le pas, comme la Canadian Car and Foundry. La Montreal Ammunition Company est créée. La Canadian Vickers travaille par ailleurs à la fabrication de treuils, de chaudières, de navires et de chalutiers.
Alors que les usines Angus produisent toujours plus d’obus et de douilles, la Canadian Car and Foundry multiplie par six son chiffre d’affaires. La Canada Cement entreprend de son côté la production d’obus de fort calibre. Le Bureau Impérial des Munitions crée des usines, notamment à Verdun, qui embauchent de plus en plus de main d’œuvre féminine tout en attirant une main d’œuvre rurale vers la ville.
La Canadian Vickers assemble six sous-marins à Montréal suite à une commande britannique. Ce sont les premiers submersibles à traverser de manière autonome l’Atlantique. Afin de tirer un profit maximal de la situation, la Canadian Vickers construit par ailleurs des canots chasseurs de submersibles et des canots de sauvetage.
De manière générale, la guerre s’avère pour plusieurs industriels une excellente affaire. La concurrence européenne s’effrite, voire disparaît, et de nombreuses compagnies comme la Dominion Textile en profitent. Les avances canadiennes au Trésor britannique sont considérables et les banques réalisent des profits record, se tournant vers l’épargne populaire afin de financer l’effort militaire. La publicité pour les emprunts de guerre devient omniprésente, y compris sur les lettres envoyées quotidiennement par la poste. À la signature de l’armistice, bon nombre de gens d’affaires seront intérieurement déçus de voir ce contexte commercial « favorable » disparaître.
Montréal est de toute façon en voie de perdre son statut de métropole du Canada. Son rôle d’intermédiaire commercial entre le Canada et la Grande-Bretagne devient de moins en moins avantageux : accaparée par le conflit en cours, la Grande-Bretagne perd peu à peu sa place de première puissance économique mondiale au profit des États-Unis. Alors que les échanges économiques avec nos voisins du sud prennent une place de plus en plus grande, Montréal ne peut plus profiter de sa localisation autrefois stratégique et perd de l’influence au profit d’autres villes canadiennes comme Toronto.
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À suivre! Prochain article : Montréal et la Grande Guerre : et c’est la fin…
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Sources :
- Archives de la Ville de Montréal.
- Rumilly, Robert. Histoire de Montréal (tome 3). 1972, 524 p.
- Linteau, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération. 1992, 613 p.
- Astorri, Antonella et Patrizia Salvadori. Histoire illustrée de la Première Guerre mondiale. 2008. 191 p.