En commémoration du 175e anniversaire de l’exécution des patriotes à la prison du Pied-du-Courant en février 1839.
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Extrait du livre Quand les archives racontent Montréal – 100 pièces d’exception.
Le 12 février 1839, le patriote Chevalier de Lorimier vit ses dernières heures à la prison du Pied-du-Courant. Il rédige alors des lettres à ses proches, ainsi que son testament politique. Son exécution se fera pour le 15. À dix heures du soir, il écrit à son ami Robitaille. À travers ses métaphores poétiques sur le sens de la vie transparaissent sa force d’esprit et sa dignité, alors que l’homme accepte la mort avec résignation. De Lorimier laisse paraître sa sensibilité et la tendresse qu’il porte à sa famille et à ses amis. Au fil de sa lettre, il emploie des mots qui décrivent des valeurs qui lui sont chères et qui font de lui la légende qu’il est devenu : fermeté, dignité, fidélité, liberté, sincérité, sensibilité et passion.
Merci à Denis Vézina pour la transcription.
«Prison de Montréal, 12 février 1839, 10 heures du soir
Mon cher Robitaille,
Le grand jour du départ approche, il va me falloir vous laisser ainsi que tant d’autres amis. Je ne regretterais pas la vie si je n’avais ni femme, ni enfants, ni amis, ni Patrie… Si je n’avais les liens qui attachent à la terre qui contient des objets si chers et si précieux à un coeur tendre. Malgré tous ces noeuds, je ne réprouve pas mon sort. Je meurs pour une noble cause. J’ai eu le temps de me préparer. J’entrevois la mort depuis le jour de ma réclusion. Je me suis bien familiarisé avec cette idée sinistre du trépas. Je vais mourir, mais mourir ferme et toujours le même, fidèle à mes amis et à la cause infortunée de ma patrie. Je n’ai plus que deux soleils à voir luire et se coucher sur moi, ma vie doit s’éteindre à ce terme. Cet astre qui anime et vivifie tout ne fera plus qu’éclairer l’ami qui viendra verser un pleur auprès de mes cendres inanimées. Quand dans de longues années on répétera mon nom (si l’on m’en trouve digne) parmi ceux des martyrs pour la liberté, rappelez-vous que je suis mort votre ami sincère et reconnaissant, et pensez aux malheureux proscrits et voués à l’échafaud, parmi lesquels je vais bientôt marcher. Cher ami et concitoyen, je n’oublierai pas l’embrassement amical que vous me donnâtes à l’heure de notre séparation, lorsque l’on me mit dans ma cellule, sous les verroux avec mon compagnon d’infortune, le Dr. Brien. J’en ai compris le sens, il m’a pénétré du feu sacré de l’amitié plus que les paroles les plus éloquentes, Soyez heureux et pensez toujours à moi.
Adieu.
Chevalier de Lorimier »