Par Marie Desormeaux
Entre 1883 et 1933, la Ville de Montréal aménagea un total de 23 bains publics. Quand les premières constructions voient le jour, La Presse du 20 mai 1904 rapporte qu’ils sont destinés au peuple montréalais : «C’est sa propriété, et il doit y être tout à fait chez lui. » De ce total, 11 bains n’existent plus, 5 connaissent une nouvelle vocation ou sont fermés et 7 sont toujours ouverts en tant que piscines municipales.
Durant ses années au pouvoir, le maire Camilien Houde a privilégié la construction de bains publics afin de fournir, dans un premier temps, du travail aux milliers de chômeurs touchés par la Grande Dépression, mais aussi afin d’améliorer les conditions d’hygiène des nombreux citoyens vivant dans les quartiers ouvriers. Les bains publics furent, au départ, fréquentés davantage par les hommes. Toutefois, au fil des ans, les enfants s’amenèrent en plus grand nombre. Il fallut également établir un horaire pour les hommes et un autre pour les femmes. Les bains publics deviendront officiellement mixtes en 1978.
Le 23 septembre 1913, le Conseil de ville vote une somme de 38 000 $ pour la construction d’un bain sur la rue Laurendeau. Les honoraires de l’architecte Théophile Daoust étaient inclus dans ce montant et ils totalisaient près de 2000 $. Le bain, construit en 1914, fut baptisé « Émard » en l’honneur de l’échevin Joseph-Ulric Émard. À une certaine époque, il fut aussi appelé bain Campbell, car situé à proximité du parc du même nom.
Tout au cours de son histoire, le bain Émard a dû subir des travaux d’amélioration. En 1932 des rénovations intérieures et extérieures furent effectuées. En 1946, on travailla à la réfection de la fausse toiture. Mais en 1959, le bain Émard fut près de fermer ses portes mais comme le fit remarquer le conseiller Frank Hanley dans l’édition du 24 mai 1959 du Dimanche-Matin : «75 % des maisons du quartier n’ont pas de bain et la population ouvrière qui habite ses maisons a besoin d’un bain public ». Une somme de 97 000 $ fut donc consacrée à la réfection du bain Émard.
En 1977, 128 000 $ furent dépensés afin d’aménager des vestiaires séparés pour hommes et pour femmes avec toilettes et douches, une ventilation mécanique adéquate et un système d’alarme-incendie. Finalement, les importantes rénovations effectuées au bain en 2004-2005 et sa réouverture ont permis à ce joyau du patrimoine bâti du Sud-Ouest de Montréal de retrouver sa vocation initiale auprès de la population de l’arrondissement.