Par Denys Chouinard
Novembre 1949, scandale à Montréal ! Le Devoir publie une série d’articles intitulés «Montréal sous le règne de la pègre». L’ancien directeur adjoint de la police, Pacifique Plante, y dénonce l’ampleur de la prostitution et du jeu illégal dans la métropole, le tout grâce à la tolérance des policiers montréalais…
L’affaire choque l’opinion publique. Le 19 mars 1950, trente-cinq associations représentant entre autres le monde des affaires, les groupes professionnels et les milieux syndicaux, créent le Comité de moralité publique et réclament une enquête sur la police de Montréal. Leurs avocats, Pacifique Plante et Jean Drapeau, ce dernier étant bien connu des milieux nationalistes, déposent une requête officielle de 1 095 pages.
Le 11 septembre 1950, sous la présidence du juge François Caron de la Cour supérieure du Québec, une commission d’enquête entreprend l’examen de la requête du Comité de moralité publique. À tour de rôle, questionnés avec vigueur par les procureurs Plante et Drapeau, prostituées, tenanciers de maisons closes et de jeux, policiers, en tout 373 témoins participent aux 335 séances de la Commission entre le 11 septembre 1950 et le 2 avril 1953. Deux tentatives de suspension de l’enquête par la pègre montréalaise retardent l’aboutissement des travaux. N’empêche que le 8 octobre 1954, le rapport du juge Caron est déposé. Ses conclusions sont implacables et se traduisent par 5 000 chefs d’accusation visant principalement une soixantaine d’officiers de la police. Le directeur du service de police, Albert Langlois, est destitué ; des officiers sont suspendus. Les politiciens pour leur part ne sont pas incriminés, bien que plusieurs membres du Comité exécutif aient été mis en cause durant l’enquête.
Dans les circonstances, le maire de Montréal, Camillien Houde, décide de ne pas se présenter à l’élection municipale du 25 octobre 1954. La route à la mairie est donc désormais ouverte pour un candidat qui sait profiter du momentum, Jean Drapeau. Un chapitre de l’histoire de Montréal vient de s’écrire. Une nouvelle époque commence.