Il y a maintenant 100 ans, la Grande-Bretagne entrait en guerre contre l’Allemagne, entraînant à sa suite le Canada et les autres dominions britanniques. Comment les Montréalais, partis au front ou demeurés au pays, ont-ils vécu ce terrible conflit, d’une intensité sans précédent? Cette série de six articles vise à partager certaines traces émouvantes du passage de Montréal à travers cette époque troublée, qui ont été conservées dans nos chambres fortes.
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Août 1914. Le conflit s’annonce d’une ampleur sans précédent. Les innombrables blessés à venir auront besoin de tous les soins disponibles. Bon nombre de Montréalais généreux le savent et s’activent rapidement à mettre sur pied des missions à caractère médical. Tout au long du conflit, un grand nombre de nos concitoyens se porteront volontaires pour aller en Europe soigner les soldats blessés au front.
Dès le début de la guerre, le doyen de la Faculté de Médecine de l’Université McGill, le docteur H. S. Birkett, interrompt ainsi ses vacances à Métis-sur-Mer pour proposer la mise sur pied d’un hôpital dont sa faculté fournira le personnel. L’hôpital général canadien no 3 de l’Université McGill est bientôt formé : il comprend 10 officiers, 34 infirmières et 86 militaires.
Après avoir été à l’origine de la mise sur pied du 22e régiment, le docteur Arthur Mignault obtient de son côté l’autorisation de former un hôpital canadien-français en appui au gouvernement français. Cet hôpital no 4 est formé d’étudiants de l’Université Laval et de jeunes médecins montréalais.
L’hôpital no 3 de l’Université McGill s’installe à Dannes-Camiers en France, où il dispose de 700 lits. Il accueille là les blessés tout en affrontant la mauvaise température hivernale, alors que les tentes pourrissent ou s’effondrent et que les conduites d’eau gèlent. Il est ensuite transféré à Boulogne. L’hôpital canadien-français du docteur Mignault, devenu entretemps l’hôpital général canadien no 8 s’établit pour sa part à Saint-Cloud, sur le champ de courses, où il reçoit son premier convoi de blessés le 17 mars 1915.
Cette même année, la Faculté de médecine de l’université Laval à Montréal (devenue Université de Montréal en 1921) met sur pied l’hôpital no 6, sous la direction du professeur agrégé et colonel Georges Beauchamp. Professeurs, jeunes diplômés, étudiants et infirmières de Montréal constituent le personnel. Après un long voyage et un arrêt en Angleterre, l’hôpital s’installe successivement à Saint-Cloud, puis à Troyes en Champagne, non loin de la ligne de feu, et enfin à Joinville-le-Pont.
Le docteur et officier Archambault tient le journal de cette entreprise périlleuse. Aujourd’hui préservé aux archives de la Ville de Montréal (BM17,S7,SS2,D4), ce journal nous donne un accès exceptionnel à l’expérience médicale qu’imposa cette terrible guerre :
Automne 1915, à Montréal : « l’Hôpital Général Canadien no. 6 est un hôpital formé de Canadiens-Français et représentant l’Université Laval de Montréal ».
Mars 1916, à Montréal : « Nous sommes déjà depuis quelques semaines au grand complet et nous n’attendons plus que l’ordre de départ (…). Grande parade à travers les rues de Montréal. »
Mars 1916, sur l’Atlantique : « Le commandant (..) est surnommé « Foggy », parce que paraît-il, le brouillard l’accompagne à chacune de ses traversées. Il a eu dernièrement l’expérience d’un torpillage et s’en est très bien tiré – heureux présage pour nous. »
Avril 1916, sur l’Atlantique : « Quelque cent milles avant la zone dangereuse, nous avons vu (…) plusieurs destroyers qui venaient à notre rencontre. Ces petits bateaux (…) nous ont entourés d’une ceinture de sécurité ».
Juin 1916, en Angleterre : « [Le général Jones] nous annonce notre départ dans quelques jours pour la France. Nous devons aller nous installer à St Cloud, tout à côté de l’hôpital stationnaire no. 4 ».
Juillet 1916, naviguant vers la France : « La nuit se passe sans incidents autres que discussions animées, comme il y en a toujours quand il y a un groupe de Canadiens-Français réunis ensemble, et à 7 heures AM, nous entrons dans le port du Havre. »
Janvier 1917, à Troyes, s’installant dans une école : « il va nous falloir créer des salles d’opération, installer des salles de pansements, les rayons X (…), améliorer le système sanitaire, l’éclairage, le chauffage, etc. Tout cela va demander beaucoup d’ouvrage ».
Avril et Juillet 1917 : « Depuis le 19, nous avons reçu environ 750 blessés (…). Grande offensive française en Champagne. C’est la première occasion qui nous est donnée de travailler très fort ». « Plusieurs centaines de blessés nous arrivent encore, venant de Verdun ».
Avril – juin 1918 : « Les bombardements par avions Boches sur les villes Françaises ouvertes [deviennent] de plus en plus fréquents. » « Nous recevons dans la nuit 869 Tommies, plusieurs étant très massacrés, venant de l’Armée Anglaise qui se trouvait en Champagne lors de l’offensive. »
Juin 1918 : 14 185 soldats blessés ont en tout été pris en charge par l’hôpital montréalais. De ce lot, 9 485 sont sortis guéris.
Les infirmières contribuent de façon remarquable à cet effort, travaillant souvent toute la nuit afin de prodiguer les soins nécessaires. Si certaines connaîtront un destin tragique, d’autres rencontreront l’amour dans cette époque troublée.
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Pour consulter le texte complet de ce journal personnel du docteur Archambault : https://archivesdemontreal.com/documents/2014/09/BM17-7-2_4op.pdf
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À suivre! Prochain article :
Montréal et la Grande Guerre : l’effort industriel.
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Sources :
- Archives de la Ville de Montréal.
- Rumilly, Robert. Histoire de Montréal (tome 3). 1972, 524 p.
- Linteau, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération. 1992, 613 p.
- Astorri, Antonella et Patrizia Salvadori. Histoire illustrée de la Première Guerre mondiale. 2008. 191 p.
J’aime bien lire sur l’histoire de Montréal. À Québec, il existe un répertoire des anciens photographes de cette ville dans les années 1900 à 1950. Mais à Montréal, j’ai beau chercher, il semble que ça ne soit pas le cas. Je suis présentement à la recherche d’un article de journal qui raconte un tragique incendie dans le studio du photographe Charles Planthier à Montréal. Il était l’oncle de mon père et il avait perdu tout son avoir et tout ce qu’il possédait. Cependant, je possède de lui une photographie de ma tante Charlotte (1924) qui est d’une rare beauté et qui est très bien conservée. À l’époque, puisque la couleur n’existait pas encore, on utilisait de l’encre de couleur sur papier spécialement conçu pour colorer les portraits en noir et blanc.
Bonjour, il n’existe pas à ma connaissance de répertoire strictement montréalais des anciens photographes. L’ouvrage « Les photographes québécois (1839-1950) : la première liste officielle » / Jean-Luc Allard, Jacques Poitras ; présenté par Jean-Pierre-Yves Pepin… (disponible à BAnQ) est probablement pertinent dans le cadre de votre recherche, ce serait à vérifier. L’historien Michel Lessard a également travaillé sur l’histoire de la photo et produit plusieurs ouvrages pertinents.
Une recherche dans l’annuaire Lovell’s (https://bibnum2.banq.qc.ca/bna/lovell/) pourrait par ailleurs vous permettre de retracer les années d’existence du studio auquel vous vous intéressez. Les coupures de presse correspondantes pourraient en parallèle être retracées dans les ressources de BAnQ en ligne (https://www.banq.qc.ca/collections/collection_numerique/journaux-revues/index.html). Bonne recherche!