Un polar aux Archives de Montréal!

L'Inaveu, Éditions Alire, 2012L’Inaveu est un roman policier de l’auteur Richard Ste-Marie et qui met en vedette un enquête du sergent-détective Francis Pagliaro de la Sureté du Québec.  En voici un bref résumé :

«Régis Duchesne a trouvé, en rassemblant les effets personnels de son père, mort du cancer il y a quelque temps, un album de photos dans lequel sont rassemblées des coupures de journaux qui témoignent, sur plusieurs décennies, de crimes ayant eu lieu à Montréal. Accompagnant l’album, un étrange carnet noir, rempli de montants d’argent qui s’échelonnent sur la même période, et la mention d’un seul intermédiaire : CS. »

Quel est le lien avec les archives de la Ville? L’auteur relate, dans un court chapitre,  la visite de l »enquêteur aux archives et sa rencontre avec l’archiviste Marius Richard. En voici l’extrait :

Mercredi  13 août 2008

 À neuf heures du matin, le sergent-détective  Francis Pagliaro se présenta aux Archives de Montréal afin de poursuivre l’idée qu’il avait en tête. Dès son arrivée, l’enquêteur fut conduit dans une salle de consultation au rez-de-chaussée, à l’entrée de la rue Gosford. Quand l’archiviste Marius Richard comprit ce que cherchait son visiteur, il décida plutôt de l’amener directement dans les chambres fortes, car, selon la banque de données du Service des archives, il aurait à chercher dans les trente-six boîtes d’archives pour les noms commençant par la seule lettre S. Douze mètres de documents.

« Ça va simplifier les choses, et je vais vous aider, ce sera plus rapide », avait ajouté l’archiviste en guidant Pagliaro vers le sous-sol de l’édifice. En fait, même un flic ne serait pas laissé tout seul dans les réserves sans la présence d’un employé. C’était la règle.

« Où on est, là ? » demanda le policier quand ils furent arrivés aux chambres fortes dans une voûte bétonnée.

« On est sous les parterres de l’hôtel de ville.

—Impressionnant ! »

Pagliaro regretta les pensées qu’il avait eues en se rendant aux archives. Encore une fois, les préjugés avaient joué, car les dossiers conservés dans les boîtes n’étaient pas du tout poussiéreux et l’archiviste n’était pas un vieux grincheux à barbe blanche. C’était un homme au milieu de la quarantaine, allumé, de bonne humeur et visiblement bien disposé à son endroit. Grâce à son efficacité, l’enquêteur trouva ce qu’il cherchait en moins de quinze minutes, première étape de sa visite en ces lieux : cinq CS.

Trois femmes, donc exclues, un Claude Savard, employé au Service de la voirie de la Ville de Montréal, mais âgé de vingt ans à peine en 1973, ce qui le disculpait automatiquement. Un Charles Sicotte, employé au greffe en 1963, dont les inscriptions à son dossier s’arrêtaient en 1969. Pagliaro se retourna vers l’archiviste.

« Pourquoi y a rien au dossier de Charles Sicotte après 1969 ? »

Marius Richard prit la fiche des mains de Pagliaro et la consulta.

« Parce qu’il ne travaillait plus à la ville à ce moment-là.

—On sait pourquoi ?

—C’est pas indiqué. »

À vrai dire, cette découverte ne décourageait pas le policier outre mesure. Elle faisait partie de la routine policière qui oblige les enquêteurs à examiner toutes les possibilités, dans l’ordre. Pagliaro se doutait depuis le début que celui qui s’était prétendu policier n’avait pas fait imprimer des cartes professionnelles à son vrai nom.

« Phase deux », soupira-t-il à l’archiviste, en lui montrant les centaines d’autres boîtes.

Les deux hommes entreprirent alors l’examen des archives des employés municipaux, en cherchant cette fois des dossiers qui contenaient des notes disciplinaires. L’ouvrage prit beaucoup plus que quinze minutes, et ces efforts représentaient peut-être un coup d’épée dans l’eau. Pagliaro se rappelait l’émission qu’il avait regardée à CanalD, dans laquelle un policier de Bloomington en Pennsylvanie, bon père de famille, extrêmement compétent, décoré, s’était avéré être un violeur en série masqué. C’est lui-même qui avait pris la déposition d’une de ses victimes venue signer sa plainte au service de police le lendemain de son agression. Seul un travail méthodique, l’épluchage systématique des horaires de tous les employés municipaux – les victimes affirmaient que le violeur se comportait comme un employé de l’administration, peut-être même comme un policier – avait mené les enquêteurs au coupable: il était de service au moment de tous les viols et il opérait à chaque fois dans le secteur même de la ville où habitaient précisément les victimes.

Sept heures plus tard, après avoir écarté derechef tous les dossiers comportant des fautes négligeables tels absentéisme chronique, retards répétés ou utilisation de langage inapproprié envers un supérieur, Pagliaro ne conserva finalement qu’une courte liste de quatre noms qui lui paraissaient intéressants. Quatre hommes âgés de plus ou moins quarante ans en 1973 et qui possédaient des rapports négatifs dans leur dossier. Plutôt bénins, comparés aux crimes que Pagliaro affrontait chaque jour ; assez graves cependant pour mériter une inspection plus approfondie dans le cadre de son enquête sur l’identité et le profil de CS.

L’archiviste fit des copies des documents que l’enquêteur avait sélectionnés. Pagliaro remercia son collaborateur.

« Je pense avoir ce qu’il me faut », lui dit-il.

« Sinon, revenez quand vous voudrez, nous sommes à votre service », répondit l’autre gaiement.

Richard Ste-MarieLe journaliste Norbert Spehner, spécialiste du roman policier québécois, a écrit dans La Presse du 13 avril 2012 , «Lauréat du prix Alibi en 2010, Ste-Marie (Un ménage rouge, 2008) nous propose là un polar hors-norme, original, digne des meilleurs crus».

L’un d’entre nous, «Marius Richard», a acheté l’ouvrage vendredi dernier. Il a tellement été happé par l’histoire qu’il l’a terminée dimanche matin. Et ce n’est pas seulement parce que l’on y parlait des Archives de Montréal!

Richard Ste-Marie. L’Inaveu. Québec, Éditions Alire, 2012. 242 pages (pour feuilleter l’ouvrage)

Biographie de Richard Ste-Marie

 

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1 réponse à Un polar aux Archives de Montréal!

  1. Merci. C’est vraiment très gentil de votre part. Un polar aux Archives de Montréal! Bon titre! Vraiment, ça me touche énormément. Les livres sont bons quand ils sont bien documentés… Merci Mario Robert alias Marius Richard, il y a un petit peu de vous là-dedans.
    Richard

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