Dans la foulée de l’enquête du juge François Caron, l’avocat Jean Drapeau annonce sa candidature à la mairie de Montréal le 4 septembre 1954. Auréolé de gloire par son rôle de procureur de la commission d’enquête, il entreprend sa campagne électorale au quartier général de l’Action civique en lançant un mot d’ordre : Réalisations! Lors de sa conférence de presse, Me Drapeau présente un programme en dix points qui se résume ainsi : ne plus parler, ne plus étudier mais résoudre les problèmes et réaliser des projets concrets. Un mois plus tard, la campagne se met en branle. À l’ouverture des bureaux de scrutin le 25 octobre, les quelque 300 000 électeurs montréalais doivent choisir entre neuf aspirants à la mairie. Outre Drapeau, certains sont connus tels qu’Adhémar Raynault qui fut maire de 1940 à 1944 ou Sarto Fournier qui se présente pour la seconde fois. Toute la journée, les policiers sont débordés par les irrégularités qui se commettent. Selon The Gazette, on rapporte cinq appels à la minute. On arrête même 79 personnes qui se sont présentées à des bureaux de vote sous de fausses identités.
À 22h40, les différents candidats concèdent la victoire à Jean Drapeau. Tous sans exception perdent leur dépôt car le prochain maire dispose d’une majorité de 38 000 voix sur son plus proche rival, l’ex-maire Adhémar Raynault. Dès lors, selon le correspondant du Devoir, c’est le délire. La foule envahit le hall d’honneur de l’hôtel de ville et attend le premier magistrat de la métropole. On présente chacun des candidats élus de la Ligue d’action civique mais le public s’impatiente : «On veut Drapeau». Ce dernier s’amène alors escorté par des policiers qui doivent lui frayer un chemin. Il a droit à une ovation monstre. Quelques minutes plus tard, en conférence de presse, il déclare que les citoyens ont démontré qu’ils désirent une administration d’hommes intègres et honnêtes et que «le peuple de Montréal veut une moralité publique dans les affaires publiques». Une grande carrière municipale commence.