Chronique Montréalité no 48 : Les débuts de l’automobile à Montréal

À tous les lundis et pour une quatrième saison, une chronique des Archives de Montréal est présentée à l’émission Montréalité sur la chaîne MAtv (https://montrealite.tv/). Vous pourrez revoir les archives sélectionnées et aussi lire les informations diffusées et inédites. Regardez notre chronique à la télé et venez lire notre article sur archivesdemontreal.com.

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Rue Craig (devenue Saint-Antoine) en direction Est, vers la rue de Bleury, 26 mai 1921, VM98-Y_1P010

Rue Craig (devenue Saint-Antoine) en direction Est, vers la rue de Bleury, 26 mai 1921, VM98-Y_1P010

La première automobile

La première «voiture sans cheval» fait son apparition dans les rues de Montréal le 21 novembre 1899. Son propriétaire est le promoteur immobilier Ucal-Henri Dandurand, un passionné de l’automobile. Avec Samuel Holt, Dandurand va développer un quartier qu’il baptise du prénom de sa mère, Rose Philips : Rosemont.

Ucal-Henri Dandurand et sa voiture De Dion-Bouton, entre 1903 et 1912, VM94-P220

Ucal-Henri Dandurand et sa voiture De Dion-Bouton, entre 1903 et 1912, VM94-P220

Sa première voiture est une Waltham à vapeur. La compagnie américaine expédie un de ses employés à Montréal pour former Dandurand à la conduire. Insatisfait, il la retourne au bout de 3 mois.

La seconde, une voiture électrique, sera peu utilisée car cette technologie n’est pas à point. La troisième, la Crestmobile, va arriver en pièces détachées et est munie de chaînes de bicyclettes.

La quatrième, une voiture à essence De Dion-Bouton de fabrication française, est la bonne. Dandurand en fait l’acquisition en 1903. En 1912, il en fait don au Château Ramezay qui possède toujours cette magnifique pièce de collection.

Voiture De Dion-Bouton d'Ucal Dandurand au Château Ramezay, photo Mario Robert, 2015

Voiture De Dion-Bouton d’Ucal Dandurand au Château Ramezay, photo Mario Robert, 2015

En politique, Ucal-Henri Dandurand se présente à la mairie de Montréal en 1904 mais il est battu par Hormisdas Laporte. Il est par contre élu conseiller municipal en 1910 pour un mandat de 2 ans.

Réglementation

Avant même l’entrée en scène de l’auto de Dandurand en 1899, le conseil municipal autorise la préparation d’un règlement en lien avec l’automobile. Aucune suite n’est donnée à ce projet.

Quand Ucal-Henri Dandurand décide de faire rouler sa première voiture, il se présente à l’hôtel de ville de Montréal pour obtenir un permis de circulation. L’administration municipale, un peu embêtée, décide de lui délivrer un permis de vélo au prix d’un dollar, salaire quotidien d’un ouvrier montréalais.

Hôtel de ville de Montréal, vers 1920, VM6,R3067-2_275E(1879-1922)-001

Hôtel de ville de Montréal, vers 1920, VM6,R3067-2_275E(1879-1922)-001

La Ville de Montréal demande alors au gouvernement de la province le pouvoir de percevoir une taxe sur les autos, ce qui est accordé en 1904. En vertu d’un règlement, le permis d’une voiture de promenade est de 10 dollars et celui d’une voiture servant au commerce est de 15 dollars. Cette année-là, ce sont 48 autos qui sont enregistrées.

L’année suivante, on revoit les prix à la baisse : cinq dollars pour un véhicule de promenade ou de commerce et 10 dollars pour un véhicule servant au transport des voyageurs. La Ville fait même fabriquer des plaques métalliques. Le nombre de véhicules enregistrés pour l’année 1905 est de 102.

Durant l’année 1906, le gouvernement du Québec rapatrie l’enregistrement des automobiles. Son bureau montréalais ouvre ses portes en mai. Le premier numéro est octroyé à Dandurand pour sa De Dion-Bouton. Comme l’état ne dispose pas de plaques, il fait peindre l’inscription Q1 à l’arrière de son véhicule.

Vue arrière de la voiture De Dion-Bouton d'Ucal Dandurand au Château Ramezay, photo Mario Robert, 2015.

Vue arrière de la voiture De Dion-Bouton d’Ucal Dandurand au Château Ramezay, photo Mario Robert, 2015.

Fait à noter, les permis numéros 4 et 5 vont être délivrés à deux femmes : Madame Clarence F. Smith et Shirley O’Gilvie, héritière de la compagnie de farine du même nom.

Circulation

De 1907 à 1915, le nombre d’automobile à Montréal passe de 162 à plus de 4000. En 1920, on en compte 13 000 et en 1930, 65 000. Sur toute l’île, il y en aurait 10 000 de plus.

Congestion sur la Place d'Armes, photo E. L. Giroux, 1925, VM94-Z1821

Congestion sur la Place d’Armes, photo E. L. Giroux, 1925, VM94-Z1821

Dès le début, on commence à parler de congestion, entre autres autour du marché Bonsecours. On tentera de régler ce problème en construisant le tunnel Gosford dans les années 1930.

Construction du tunnel Gosford, 1932, VM94-Z1507-8

Construction du tunnel Gosford, 1932, VM94-Z1507-8

De son côté, le service de police va demander l’augmentation de ses effectifs à la circulation et l’administration municipale va aussi s’intéresser à la signalisation routière. Les premiers feux de circulation vont être installés dans les années 30.

Policier à la circulation à l'intersection des rues de l'Inspecteur et Saint-Jacques, années 1920, VM94-Z19

Policier à la circulation à l’intersection des rues de l’Inspecteur et Saint-Jacques, années 1920, VM94-Z19

La question du stationnement va aussi devenir un enjeu politique. En 1917, la Ville de Montréal adopte un premier règlement pour l’interdire sur la rue Saint-Jacques, à partir de la rue McGill jusqu’à son extrémité Est.

Panneau de stationnement d'une rue de Montréal, années 1930, VM98-Y_3P016

Panneau de stationnement d’une rue de Montréal, années 1930, VM98-Y_3P016

Les accidents

Dès les premières années, les accidents de toutes sortes sont constants. Par contre, le premier décès dû à une voiture a lieu le 11 août 1906 au coin des rues Maisonneuve (devenu Alexandre-DeSève en 1968) et Sainte-Catherine.

La victime est un homme de 47 ans,  Antoine Toutant, qui est écrasé alors qu’il traverse la rue avec sa femme et son fils. L’automobiliste fautif roule à vive allure tout en dépassant un tramway arrêté à sa droite.

Rue Guy à l'angle de la rue Sainte-Catherine, photo S.J. Hayward, 21 mars 1929, VM98-Y_2P06

Rue Guy à l’angle de la rue Sainte-Catherine, photo S.J. Hayward, 21 mars 1929, VM98-Y_2P06

En 1912, on compte 12 décès pour la Ville de Montréal et le nombre ne cesse d’augmenter jusqu’en 1931, année où l’on en compte 128.

Durant les 30 premières années du 20e siècle, les accidents avec les tramways sont nombreux. En 1920, par exemple, ils ont au nombre de 1 600.

Promouvoir l’automobile

L’automobile est réservée aux membres de l’élite montréalaise. Dès 1904, ils se réunissent pour fonder l’Automobile Club of Canada (ACC), ancêtre de CAA-Québec. Son conseil d’administration comprend des directeurs de banques, des industriels ou des fils de propriétaires de journaux. D’autres organisations sont aussi créées à cette époque.

Publicité pour les voitures Studebaker, 1919, BM1-11_24

Publicité pour les voitures Studebaker, 1919, BM1-11_24

Un premier Salon de l’auto de Montréal se tiendra en 1906. Les constructeurs et concessionnaires en profitent pour faire de la publicité dans les journaux.

Publicité pour les voitures Jackson, 1912, P98-01_045_28

Publicité pour les voitures Jackson, 1912, P98-01_045_28

On organise aussi des courses automobiles, comme en 1912 au stade De Lorimier ou en 1915 sur le mont Royal. L’un des coureurs les plus fameux de l’époque est le joueur de hockey Jack Laviolette, un des fondateurs des Canadiens de Montréal.

Enfin, les différents clubs automobiles vont intervenir régulièrement auprès du conseil municipal de Montréal pour exiger l’amélioration des rues de la ville.

Rue Notre-Dame à l'ouest de la rue McGill, photo S.J. Hayward, mars 1924, VM98-Y_2P02

Rue Notre-Dame à l’ouest de la rue McGill, photo S.J. Hayward, mars 1924, VM98-Y_2P02

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La photographie de la voiture De Dion-Bouton de la chronique télé a été présentée avec l’aimable autorisation du Château Ramezay : 

© Château Ramezay – Musée et site historique de Montréal, photo Michel Pinault

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Sources

Centre d’histoire de Montréal. «43. Ucal-Henri Dandurand», Montréal Clic. https://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=2497,3090497&_dad=portal&_schema=PORTAL

Centre d’histoire de Montréal. «Promoteur immobilier de Rosemont», Montréal Clic. https://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=2497,3090087&_dad=portal&_schema=PORTAL

Delisle, André J. «Du nouveau dans les rues de Montréal», Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, no 45, 1996, p. 15. https://www.erudit.org/culture/cd1035538/cd1041698/8481ac.pdf

VEILLEUX, Denis. La motorisation ou « La rançon du progrès ». Tramways, véhicules-moteurs et circulation (Montréal, 1900-1930). Thèse de doctorat (histoire), Université McGill, 1998. 461 p.  https://www.collectionscanada.gc.ca/obj/s4/f2/dsk1/tape11/PQDD_0018/NQ44618.pdf

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7 réponses à Chronique Montréalité no 48 : Les débuts de l’automobile à Montréal

  1. Jean-René Beaunoyer dit :

    J’ai trouvé très intéressant cette petite histoire de l’automobile a Montréal

  2. Pierre Carbonneau dit :

    J’ai trouvé une photo sur laquelle on est supposé voir Ucal-Henri Dandurand et le maire Raymond Préfontaine le 21 novembre 1899 à bord d’un véhicule moteur qui n’est, de toute évidence, pas la Waltham à vapeur de Dandurand dont on parle si souvent. Après recherches, j’ai identifié le véhicule 2 places comme étant une Hertel (Oakman) runabout 1898, un véhicule à gazoline assemblé à partir de nombreuses pièces de bicyclettes.

  3. Francine Saint-Germain dit :

    Félicitations pour cette source d’infomation si bien documentée. Je me demandais en quelle année eu lieu le premier salon de l’automobile .

  4. Gilbert Bureau dit :

    Le premier Salon de l’Automobile de Montréal a lieu en 1906.

  5. Alexandre Trudel dit :

    Petite coquille :

    « L’automobile est réservée aux membres de l’élite montréalaise. Dès 1904, ils se réunissent pour fonder l’Automobile Club of Canada (ACC), ancêtre de CCA-Québec. »

    Il s’agit plutôt de CAA-Québec.

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